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que le dispositif n’était pour autant pas assez précis (1) et manquait de garanties au
regard des exigences de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
La France a également été condamnée plus récemment par la CEDH, dans
l’arrêt Vetter c. France du 31 mai 2005, pour avoir procédé, en 1997, à la
sonorisation d’un appartement sans base juridique suffisamment précise.
Il apparaît donc que le recours aux moyens spéciaux d’investigation mis
en œuvre par les services de renseignement en dehors du cadre judiciaire, comme
les sonorisations de lieux privés ou la pose de balises sur un véhicule, peuvent
sans aucun doute conduire à une condamnation de la France par la CEDH, en
l’absence d’une base juridique précise. Or seul le législateur auquel il incombe, en
application de l’article 34 de la Constitution, de fixer les règles en matière de
« garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés
publiques », peut remédier rapidement à ce vide juridique. La mission l’y invite
en lui suggérant de prendre notamment pour base l’analyse de la
jurisprudence de la CEDH qui définit, en creux mais assez nettement, le
contour d’une future loi sur le renseignement (cf. infra).
Cependant, les lacunes du cadre juridique ne constituent pas la seule
menace à laquelle sont confrontés les services de renseignement ; les médias, en
ce qu’ils obéissent à une logique de transparence, mettent aussi parfois en péril
– consciemment ou non – leur activité, voire les agents eux-mêmes.
2. L’anonymat des agents malmené par les médias
En dépit des dispositions contenues dans la LOPPSI (2), les personnels des
services de renseignement sont aujourd’hui particulièrement exposés, tant au plan
juridique, par la mise en jeu de leur responsabilité pénale (cf. infra), qu’au plan
fonctionnel, par la divulgation trop fréquente, par les médias, de leur identité ou de
leurs modes opératoires.
L’ambition de la loi de 2011 était de normaliser une pratique habituelle
des services qui conduit les agents à recourir à une fausse identité. En effet, la
nature de leurs activités les contraint à travailler dans la plus grande discrétion.
(1) Cf. considérant n° 35 : « Surtout, le système n’offre pas pour le moment des sauvegardes adéquates contre
divers abus à redouter. Par exemple, rien ne définit les catégories de personnes susceptibles d’être mises
sous écoute judiciaire, ni la nature des infractions pouvant y donner lieu ; rien n’astreint le juge à fixer une
limite à la durée de l’exécution de la mesure ; rien non plus ne précise les conditions d’établissement des
procès-verbaux de synthèse consignant les conversations interceptées, ni les précautions à prendre pour
communiquer intacts et complets les enregistrements réalisés, aux fins de contrôle éventuel par le juge - qui
ne peut guère se rendre sur place pour vérifier le nombre et la longueur des bandes magnétiques originales et par la défense, ni les circonstances dans lesquelles peut ou doit s’opérer l’effacement ou la destruction
desdites bandes, notamment après non-lieu ou relaxe. Les renseignements donnés par le Gouvernement sur
ces différents points révèlent au mieux l’existence d’une pratique, dépourvue de force contraignante en
l’absence de texte ou de jurisprudence. »
(2) Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité
intérieure.