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En France, les services de renseignement, faute de textes législatifs
adaptés à certains aspects de leurs activités, sont parfois contraints d’agir en
dehors de tout cadre juridique. En effet, la sécurité nationale et la lutte
antiterroriste peuvent justifier la mise en œuvre de moyens spéciaux
d’investigation dont l’usage n’est pas encore autorisé par la loi en dehors du cadre
judiciaire. Or, les méthodes auxquelles il est recouru sont, par nature et par
nécessité, attentatoires aux droits et libertés. Les interceptions de communication,
la sonorisation de lieux et la fixation d’images constituent une violation du droit
au respect de la vie privée, de même que la géolocalisation d’un téléphone ou d’un
véhicule.
Même si ces moyens sont légitimement mis en œuvre, il est parfaitement
anormal, dans un État de droit, que des atteintes aux droits et libertés puissent
survenir en dehors de tout cadre juridique. De façon concrète, la France risque en
permanence de se voir condamnée par la Cour européenne des droits de
l’Homme pour violation des dispositions de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Si aucun recours
n’a, pour l’heure, été formé pour des faits relevant d’une activité de
renseignement, le risque d’une condamnation est constant.
D’ailleurs, la France a déjà été condamnée pour la mise en œuvre de
moyens spéciaux d’investigation dans un cadre judiciaire. En matière
d’interception des communications, la CEDH avait considéré, dans l’arrêt
Kruslin c. France du 24 avril 1990, que « le droit français, écrit et non écrit,
n’indique pas avec assez de clarté l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir
d’appréciation des autorités dans le domaine considéré » (1). C’est cette
condamnation qui avait incité le gouvernement de Michel Rocard à préparer une
loi relative aux interceptions de sécurité, adoptée en juillet 1991. Le droit alors en
vigueur manquait singulièrement de précision puisque la légalité de ces
interceptions de sécurité reposait sur une simple interprétation très large de
l’article 81 du code de procédure pénale, autorisant le juge d’instruction à
procéder à tous les actes d’instruction qu’il estime utiles à la manifestation de la
vérité. La Cour de cassation y avait vu à plusieurs reprises la base légale d’une
faculté laissée au juge d’ordonner une écoute téléphonique et le droit interne s’en
était alors contenté.
Mais, comme l’indiquait la CEDH, « les écoutes et autres formes
d’interceptions des entretiens téléphoniques représentent une atteinte grave au
respect de la vie privée et de la correspondance. Partant, elles doivent se fonder
sur une “loi” d’une précision particulière. L’existence de règles claires et
détaillées en la matière apparaît indispensable, d’autant que les procédés
techniques utilisables ne cessent de se perfectionner (2) ». Si la Cour reconnaissait
que ces écoutes disposaient d’une base juridique en droit français, elle estimait

(1) CEDH, arrêt Kruslin c. France du 24 avril 1990, considérant n° 36.
(2) Id.

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