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B. RECONSTRUIRE LE RENSEIGNEMENT DE PROXIMITÉ
Surdéterminée par l’impératif terroriste et réalisée au profit exclusif de la
DCRI, la réforme de 2008 a globalement abîmé l’outil de collecte du
renseignement intérieur, au point de rendre l’État potentiellement sourd et aveugle
dans l’anticipation de phénomènes sociaux.
En effet, aucune voix ne s’était élevée pour contester les conditions dans
lesquelles les Renseignements généraux et la gendarmerie assuraient les deux
dimensions de l’activité que l’on nomme aujourd’hui « l’information générale ».
Personne n’avait émis de réserve sur leur capacité à éclairer localement l’action à
court et moyen termes des pouvoirs publics, et à contribuer nationalement à
garantir la sécurité nationale. Aucune réflexion susceptible de définir les besoins
– non couverts – en renseignement n’avait été conduite, aucun travail n’avait été
entrepris sur d’éventuels nouveaux moyens à mobiliser. Il faut donc admettre que
s’il y a cinq ans, le dispositif global a été profondément remanié, c’est bien plus
pour se plier à une volonté politique que pour obéir à un quelconque principe
vertueux (rationalisation des compétences, amélioration de l’efficacité du service
public…). Car la seule rationalisation du dispositif antiterroriste n’impliquait pas
obligatoirement la disparition du service amputé ou la dégradation des entités
restantes.
Persuadée qu’un gouvernement a besoin de sources fiables pour exercer
ses responsabilités en matière de sécurité, la mission, après avoir dressé un bilan
de la sous-direction à l’information générale (SDIG), préconise donc de sortir de
l’impasse actuelle en rebâtissant une véritable filière dédiée au renseignement
de proximité.
1. Tourner la page de la funeste erreur de « l’information générale »
Disparue en 2008, la Direction centrale des Renseignements généraux était
l’un des plus anciens services de la Police nationale, fruit d’une lente maturation
tâtonnante qui révèle en dernier ressort la persistance de bien des interrogations
quant aux missions devant incomber à cette administration du renseignement. En
effet, après de nombreux changements de dénomination au cours de la première
partie du XXe siècle (1), une Direction des renseignements généraux voit le jour en
octobre 1944. Le décret n° 67-196 du 14 mars 1967 portant réorganisation du
ministère de l’Intérieur définit ainsi ses missions : « La direction active des
renseignements généraux est chargée de la recherche et de la centralisation des
renseignements d’ordre politique, social et économique nécessaires à
l’information du Gouvernement. Elle assure la police de l’air, le contrôle de la
(1) En 1907 est créé un service des renseignements généraux de police administrative, remplacé en 1913 par
un service de police administrative puis, en 1917, par une direction des services de police administrative.
Vingt ans plus tard, cette dernière est rebaptisée direction des renseignements généraux puis, en 1938, elle
redevient le service de police administrative. En 1941, le Gouvernement de Vichy décida de créer un
service des renseignements généraux, converti dès 1942 en direction, laquelle fut intégrée dans la direction
de la sécurité générale et des renseignements généraux un an plus tard.