— 137 —
service à surveiller toute une mouvance (avec les moyens intrusifs que cela
suppose) par peur du scandale médiatique.
Néanmoins, le service ne saurait se défausser et amputer de la sorte
l’article 1er de son décret constitutif. Avec l’acuité croissante de la crise, la montée
des contestations, il paraît irréel de se priver de renseignement sur des strates
entières de la société prêtes à basculer dans la violence.
CE QUE L’AFFAIRE DE L’OCCUPATION DE LA MOSQUÉE DE POITIERS
RÉVÈLE COMME CARENCES
***, la DCRI avait détecté une action médiatique en provenance du groupe d’extrême
droite Génération identitaire. Si le service ne pouvait préciser ni le lieu ni la date, il envisageait
néanmoins que le déplacement de François Hollande à Nice fût troublé ou bien qu’un édifice parisien
fût occupé, à l’instar de Notre-Dame ou de la cité de l’immigration. L’information a donc été
transmise à la DRPP ***. ***, le service parisien a repéré et suivi dix militants parisiens jusqu’à
Orléans avant d’abandonner la filature faute de certitude quant à la finalité du déplacement.
Constatant qu’aucune équipe policière ne travaillait sur cet objectif, les fonctionnaires parisiens s’en
sont retournés chez eux en prévenant uniquement le directeur du cabinet du Préfet de police. ***
En effet, près de la moitié des 73 militants de Génération identitaire présents à Poitiers
Or, un déplacement d’une telle ampleur en direction du département de la Vienne aurait dû
nécessiter une surveillance plus étroite.
***.
En outre, même si le plus grand secret entourait cet événement (à titre d’exemple, le
président du Bloc identitaire n’a été prévenu que samedi matin sans connaître les détails de
l’opération), il a été minutieusement préparé : les organisateurs avaient inventé un leurre à
destination des journalistes qui étaient conviés. À 4h du matin, journalistes et militants se sont
retrouvés dans une commune de 500 habitants à une heure de Poitiers. L’occupation a débuté à
5h45. Chaque étape citée aurait donc pu faire l’objet d’une remontée de renseignements. Or, c’est la
police municipale qui a alerté son homologue national de l’occupation du chantier.
Enfin, il s’avère que les militants incriminés étaient fort bien connus des services de police :
***.
La DCRI a considéré que ce groupe ne relevait pas de son cœur de métier et n’a pas mis
en place tous les dispositifs nécessaires. Précisément, Génération identitaire présente la spécificité
d’appartenir à la fois aux mouvements violents et aux mouvements politiques. Son suivi peut donc
relever tant de la SDIG que de la DCRI. Cependant, la SDIG n’a jamais obtenu d’interceptions de
sécurité pour d’autres motifs que celui de la criminalité organisée (lutte contre l’économie
souterraine, contre le hooliganisme et les gangs de motards violents). Dès lors, une partie de
l’activité des mouvements subversifs échappe à une surveillance étroite. Cette fois-ci, Génération
identitaire a réalisé une opération médiatique destinée à recruter des volontaires, mais en octobre
2009, le centre de Poitiers avait été mis à sac par des militants d’extrême gauche.