Avant-propos
Il n’est pas certain non plus que la CNCTR ait à sa disposition
les matériaux dont elle a besoin pour l’exercice de ses prérogatives.
La loi a fondé ce dernier, en premier lieu, de manière détaillée, sur
les déclarations des services : « traçabilité » donc registres, relevés,
procès-verbaux… Le papier ne manquera pas. Mais, dans un domaine
où le contradictoire n’existe pas, dès lors qu’est en cause une activité
réalisée à l’insu des personnes qui en sont l’objet, le seul contrôle efficace est celui de la confrontation du dire et du faire, autrement dit de
ce qu’affirment les services et des données qu’ils ont effectivement
recueillies.
Mais ces données elles-mêmes ne sont pas un matériau comme
un autre. Elles n’ont pas l’épaisseur de véracité d’un indice matériel sur
une scène de crime. Le renseignement est de plus en plus affaire de données numériques. Ces données sont fragiles, fongibles, reproductibles
ou effaçables. Elles circulent de surcroît très vite et loin. La question de
l’efficacité que pose le contrôle réside beaucoup moins dans la question
de savoir combien de personnes composeront la commission que de
déterminer si, comme la CNCIS l’a demandé, la future commission aura
à sa disposition, dans ses locaux ou dans ceux du Groupement interministériel de contrôle, l’intégralité des données recueillies, en temps réel.
C’est à cette seule condition que pourra être vérifiée l’adéquation entre
l’autorisation donnée et l’usage qui en sera fait.
Enfin, de manière inédite, au contraire de la CNCIS, la future commission aura à maîtriser des dispositifs complexes, dont les résultats
dépendront non seulement de leur usage, mais aussi de leur conception. Aujourd’hui, l’organisme de contrôle siège à la commission (dite
de l’article R. 226-2 – du Code pénal) qui examine les demandes d’agrément pour ceux qui détiennent ces outils qui servent au renseignement.
Demain, il faudra davantage : vérifier que chaque instrument (notamment chaque programme informatique mis en œuvre) recèle bien les
possibilités indiquées et non pas d’autres. La CNCIS a donc demandé
que la CNCTR ait le contrôle de l’ensemble des dispositifs utilisés pour
connaître quelles sont les données qu’ils étaient susceptibles de rassembler. Son succès en la matière a été mitigé.
Réclamer un contrôle effectif n’a pas pour but de donner de l’importance à une institution, qui vivra d’ailleurs dans la confidence ; ni
d’alourdir la tâche, dont la CNCIS n’ignore pas – et moins que personne –
la difficulté, des services de police et de renseignement ; pas davantage
de satisfaire quelque goût malsain pour la personne du père Joseph.
Mais si l’on admet, comme les auteurs de la loi, que des mesures qui
portent atteinte à des droits des personnes (qu’elles soient consentantes
ou non n’y change rien) ne peuvent être accrues que si, et seulement si,
elles existent parallèlement à un avis indépendant susceptible d’éclairer
la décision publique, alors on doit faire en sorte que cet avis ne soit pas
illusoire, et qu’il soit donné, sans complaisance ni faiblesse, en toute
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