Contribution de Bénédicte FAUVARQUE-COSSON

l’ignorer au motif qu’il est question de sécurité. Le cadre juridique de la
surveillance des communications doit donc tenir compte, d’une part, du
rôle de l’État en matière de protection de la sécurité nationale et, d’autre
part, de l’ensemble des atteintes aux droits fondamentaux que la surveillance peut faire courir, notamment à la vie privée. La France ne peut progresser seule sous peine d’affecter l’efficacité de la prévention du crime
organisé, du terrorisme et des autres atteintes à la sécurité nationale.
Pour le renseignement, l’objectif d’unification des droits apparaît encore
hors de portée tant les questions de souveraineté nationale sont en jeu.
Imagine-t-on un droit global du renseignement ?
Dans cet article sur la loi nationale et les données, on s’interrogera sur ce que peut faire la loi nationale en matière de sécurité, dans le
contexte européen et international qu’il lui appartient de respecter. Ces
quelques réflexions visent à tendre un fil entre deux approches qui ont
le même objet – les données – et qui néanmoins s’opposent : vocation
quasi-exclusive de la loi nationale pour la sphère de sécurit�� ; développement du droit européen pour la sphère privée, porté par les droits fondamentaux et les aspirations contemporaines à l’extraterritorialité du droit.

La sécurité de la nation : quelles limites à la loi
nationale ?
Le Code de la sécurité intérieure ne définit pas le champ d’application des dispositions de la loi française. Par suite d’un raisonnement
caractéristique de la méthode des lois de police 1, on considère que les
dispositions de ce code qui sont relatives aux mesures d’interceptions
ou d’accès aux métadonnées ne s’appliquent que si l’opérateur est soumis à la loi française pour les communications concernées, notamment
pour ce qui concerne la conservation des données et le droit d’accès des
autorités 2. En dehors du champ de la loi française, le cadre juridique
français des interceptions effectuées sur le territoire ne s’applique pas.
Seul intervient l’article L. 241-3 de ce code, anciennement article 20 de
la loi du 10 juillet 1991, qui permet aux pouvoirs publics de prendre des
mesures « pour assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie
hertzienne [qui] ne sont pas soumises aux dispositions du présent titre,
ni à celles de la sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre III
du livre Ier du Code de procédure pénale ». Ce texte ne fixe aucune autre
condition à ces interceptions que celle de leur finalité exclusive à la
défense des intérêts nationaux. En pratique, cela signifie que, contrairement à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) qui opère sur

1) Sur cette méthode, v. la deuxième partie de cette étude.
2) Sur ce point, v. Le numérique et les droits fondamentaux, préc. sp. p. 206 et p.214.

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