CNCIS – 23e rapport d’activité 2014-2015

le territoire, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) peut
s’affranchir des contrôles prévus par la réglementation nationale.
Pour expliquer que les garanties dont bénéficient les personnes
qui sont à l’étranger soient moindres, l’étude du Conseil d’État relève
que l’interception de leurs communications « n’est pas susceptible
de porter atteinte à leurs droits dans la même mesure que si elles se
situaient sur le territoire ; elles ne peuvent en particulier faire l’objet de
mesures juridiques contraignantes qui se fonderaient sur des éléments
collectés » 1. Cette même étude observe encore que « la CEDH n’a pas
remis en cause le principe de cette différenciation » et que « le droit
international public ne condamne pas non plus les activités conduites
par un État de collecte de renseignements à l’étranger » 2. L’étude n’en
considère pas moins nécessaire, notamment pour satisfaire à « l’exigence de prévisibilité de la loi issue de la jurisprudence de la CEDH » 3, de
définir les garanties qui entourent les interceptions des communications
à l’étranger. Ainsi, la proposition n° 39 recommande de « Définir par la
loi le régime des interceptions des communications à l’étranger. La loi
déterminerait les finalités de ces interceptions et habiliterait l’Autorité de
contrôle des services de renseignement à exercer son contrôle sur ces
activités ». La proposition n° 40 appelle à « Définir le régime juridique de
l’utilisation par les services de renseignement, sur autorisation administrative, de certains moyens d’investigation spéciaux prenant appui
sur des techniques numériques (déchiffrement, captation de données
informatiques…) » 4. La proposition n° 41 forme le souhait que l’autorité
chargée du contrôle des opérations techniques de collecte de renseignement soit « dotée de moyens et de prérogatives renforcés ». Dans
quelle mesure la réforme projetée du renseignement tient-elle compte
de ces propositions ?
La première version du projet de loi relatif au renseignement,
publiée officiellement le 19 mars 2015, a été adoptée en première lecture
à l’Assemblée nationale le 5 mai 2015 5. Le texte, amendé suite à diverses
réactions 6, modernise les moyens des services de renseignement. Il
prévoit notamment que ce qu’on a appelé « boîtes noires » pourront être
installées chez les opérateurs de télécommunications, visant à détecter
les comportements suspects à partir des métadonnées, sur la base d’un
algorithme propriétaire. Il autorise également la mise en place d’autres
outils : logiciels espions ou encore IMSI-catcher (une fausse antenne qui

1) Le numérique et les droits fondamentaux, préc, p. 214.
2) Ibid.
3) Étude préc., p. 30, 214 (et les références), 319-320.
4) Étude préc., p.322.
5) http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl2669.asp
6) Voir en particulier l’avis rendu le 5 mars 2015, par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui a exprimé de fortes réserves sur le nouveau cadre juridique
des techniques de recueil du renseignement (interceptions de sécurité, accès administratifs
aux données de connexion).

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