Contribution de Jean-Jacques URVOAS

En effet, si le contrôle des services est une nécessité parce que les
dérapages sont toujours possibles et que les libertés individuelles en
pâtiraient, les formes de son exercice sont diverses et cumulatives.

Une philosophie cohérente du contrôle
des services
Sur le plan théorique, le contrôle des politiques du renseignement
est une compétence partagée. Ainsi le professeur Uri Bar-Joseph de
l’université d’Haïfa a établi une architecture de contrôle 1 qui confie cette
mission soit à l’exécutif (« participation unilatérale »), soit à la conjugaison d’une multiplicité de regards (« participation multilatérale » où se
retrouvent le législatif, le judiciaire et l’informel).
Dans notre pays, cette division des tâches se concrétise en trois
dimensions : le contrôle interne, le contrôle externe de légalité et de proportionnalité, le contrôle externe de responsabilité.
Le contrôle interne présente une double déclinaison. La première
forme consiste en un contrôle interne exécutif que met en œuvre le
Gouvernement afin de s’assurer du bon fonctionnement et de l’efficacité des services placés sous son autorité. C’est maintenant la mission
qui incombe à l’Inspection du renseignement, créée par un décret n°
2014-833 du 24 juillet 2014 signé par le Premier ministre Manuel Valls. La
seconde forme correspond à un contrôle interne administratif que doit
exercer tout chef de service afin de maîtriser le fonctionnement de son
administration, d’impulser des réformes, de vérifier la bonne marche de
la structure ainsi que la régularité des pratiques mises en œuvre.
Vient en parallèle le contrôle externe de légalité et de proportionnalité, qui ne saurait exister sans la reconnaissance des moyens spéciaux octroyés aux services de renseignement. Il consiste, dans ce cadre,
à s’assurer que la mise en œuvre des techniques de recueil de renseignement par les administrations spécialisées respecte les conditions prévues par la loi et ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits et
libertés des citoyens. C’est la vocation de la CNCIS pour le seul domaine
des écoutes téléphoniques et, demain, de la CNCTR. Pareille structuration correspond de surcroît à la résolution du 17 mai 2010 du Conseil des
droits de l’homme de l’Assemblée générale des Nations unies, qui prévoit
qu’un « système efficace de supervision du renseignement [inclue] au
moins une institution civile indépendante des services et de l’exécutif ».

1) Uri Bar-Joseph, «The Intelligence Chief Who Went Fishing in the Cold: How Maj Gen.
(res.) Eli Zeira Exposed the Identity of Israel’s Best Source Ever.» Intelligence and National
Security 23, n°2, avril 2008, p. 226-248.

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