CNCIS – 23e rapport d’activité 2014-2015

Une telle durée implique d’ailleurs qu’on ne les change « qu’en tremblant », c’est-à-dire avec de sérieuses raisons.
Trois de ces cinq finalités ont constitué l’essentiel des volumes
d’interception (cf. la suite de ce rapport). La prévention de la criminalité
et de la délinquance organisées a toujours été la plus importante de ces
trois.
Ces définitions se ressentent évidemment des évolutions sociales.
Il ne serait pas exact de soutenir que la prévention du terrorisme a été
insuffisamment prise en considération en 1991. Ce motif se suffit à luimême et n’a besoin d’aucune précision supplémentaire, d’autant plus
que le Code pénal (articles 421-1 et suivants) – dont il est toujours souhaitable de rester proche lorsqu’il s’agit d’éclairer la portée des finalités de la loi – en donne une définition (modifiée il est vrai à plusieurs
reprises). En revanche, la forme que prennent certaines formes de violence collective dans la société du xxie siècle, qui ne se rattachent ni à des
manifestations terroristes, ni à aucun but crapuleux, et pas davantage à
la sécurité nationale, fait hésiter à ouvrir les interceptions à l’encontre
des personnes qui les pratiquent et, même si on devait l’admettre, à la
finalité à laquelle les réunir. Il en va ainsi, par exemple, des « fights »
qu’organisent de manière systématique des « supporters » assistant à
des matches de football à l’encontre des soutiens (parfois venus pour
« relever le défi ») de l’équipe adverse. Ou encore des personnes qui,
parmi d’autres beaucoup plus pacifiques, érigent la contestation de projets d’infrastructure en combats de principe dont la fin justifie tous les
moyens, même les plus violents. Faut-il alors faire évoluer les motifs en
en élargissant le nombre et en en modifiant les termes ? Les auteurs de
la loi de 2015 sur le renseignement s’y sont efforcés, non sans mal, et
avec des rédactions contestées lors des débats.
En tout état de cause, un élargissement des motifs se traduit, avec
des degrés divers, par un élargissement de la population concernée par
les techniques d’investigation qui portent atteinte à la vie privée. On
doit, par conséquent, n’en accepter le principe qu’avec beaucoup de
précautions, pour des causes précisément identifiées d’insuffisances
des finalités existantes ; à la condition d’avoir mesuré au moins approximativement le nombre de mesures induites ; surtout, d’avoir conscience
de respecter, dans une nouvelle matière, l’équilibre entre la gravité de
l’atteinte à l’ordre public et la gravité de la mesure d’intrusion.
La deuxième question est liée à la précédente : c’est celle de la
population susceptible d’être impliquée dans les mesures intrusives,
non pas à raison des finalités définies dans la loi, mais de la nature et du
volume des techniques employées et des implications requises par les
textes en vigueur et la « jurisprudence » de l’organisme de contrôle. Les
techniques : suivant qu’un dispositif de demande à un opérateur est relatif aux données de connexion d’un seul appareil téléphonique ou qu’un
autre dispositif s’int��resse aux données de connexion de tous les clients

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