Le contrôle des techniques de renseignement

de cet opérateur, la portée est évidemment distincte ; cette distinction
a nourri bien des débats de la loi de 2015. Mais la nature des implications paraît encore beaucoup plus décisive : suivant que la possibilité est
ouverte de « surveiller » seulement la personne directement et personnellement impliquée ou bien son « entourage », surtout si ce terme n’est
pas défini, la population peut passer d’un seul individu à plusieurs centaines ou davantage. La loi doit être très précise sur ceux qu’elle entend
soumettre aux mesures qu’elle définit. Le complice du crime envisagé ne
fait guère de doute ; mais faut-il y ranger les siens qui n’ont d’autres liens
qu’affectifs ou de pure circonstance ? Ceux qui lui rendent service (réparer son véhicule par exemple) ? Il est des pays où l’on surveille, à partir
d’une personne, l’entourage de l’entourage de l’entourage ; soit beaucoup d’effectifs, inéluctablement voués à croître. La manière d’englober
ou non est encore plus déterminante que les techniques mises en œuvre.
Elle n’a guère été questionnée lors du vote de la loi sur le renseignement.
Au surplus, un accroissement du nombre de personnes génère un
nombre imposant de possibilités de « croisements », c’est-à-dire d’occurrences dans lesquelles deux personnes vont se trouver associées, sans
qu’elles aient nécessairement quelque chose à voir entre elles. Le nombre
entretient ainsi le soupçon, qui demande de nouveaux élargissements.
La troisième question porte sur le mécanisme de contrôle et ses
prérogatives. Quelle est la matérialité de ce qu’il a à contrôler ?
La CNCIS n’avait pas à poser cette question en 1991 de manière
aussi élaborée.
Elle a tout de même opéré alors un choix décisif : contrôler non pas
l’activité humaine des services faisant réaliser des interceptions de sécurité par le GIC ; mais directement le matériau recueilli par ces services, et
la transcription qui en était faite. C’est bien là une différence de nature.
Dans le premier cas, le contrôle est dépendant des services qui lui font
savoir quelle est leur pratique ; dans le second, il est au cœur de l’action
d’investigation et sait précisément, sans opinion intermédiaire, ce qu’il
advient. Elle a, d’instinct, compris que le véritable contrôle ne repose pas
sur les déclarations des contrôlés, alors même qu’elles seraient insoupçonnables, mais sur la confrontation de la norme à la réalité. Là repose,
comme il a été dit précédemment, une grande part de l’effectivité du
contrôle.
Mais, en dehors de ce choix, peu d’éléments techniques faisaient
obstacle au contrôle, dès lors que le GIC, « neutre » on l’a indiqué, se
chargeait des dispositifs techniques dont il rendait d’ailleurs volontiers
compte. Contrôler une interception consiste à écouter, s’il en est besoin,
les communications qui en sont issues et constater qu’elle a été interrompue à la date prévue ; contrôler les transcriptions, c’est les lire pour
vérifier leur adéquation avec l’enregistrement et qu’elles tiennent compte
des interdictions de la loi (relatives à ce qui est étranger à l’affaire). En
bref, l’œil et l’oreille sont presque suffisants.

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