Le contrôle des techniques de renseignement
1) La Commission doit examiner d’abord si la mesure d’interception envisagée est nécessaire.
Cet examen peut surprendre. Il est pourtant dans la logique de la
loi, qui précise bien que les interceptions ne peuvent revêtir qu’un caractère « exceptionnel » (article L. 241-2 du Code de la sécurité intérieure).
Ce trait d’exception se traduit de deux manières :
Dans la gravité des actes dont les personnes écoutées peuvent
être soupçonnées.
Dans le fait qu’il n’est pas possible de recueillir par une autre voie
les nécessaires informations dont les services ont besoin. Il existe donc,
pour traduire l’exception, un principe de subsidiarité : une interception
ne peut être ordonnée, dès lors qu’elle est très intrusive, que si ce qu’elle
permet de recueillir comme information ne pouvait être obtenu par les
« moyens classiques d’investigation ».
2) La Commission doit ensuite savoir si le moyen sollicité est proportionnel au risque de l’atteinte à l’ordre public. La loi de 2015 a inscrit,
on l’a indiqué, dans un texte cette obligation de proportionnalité, pratique constante de la Commission : l’atteinte portée au secret des correspondances ne saurait être justifiée que si le risque d’atteinte à l’ordre
public est lui-même d’une gravité certaine.
3) Elle doit également déterminer si les motifs invoqués dans la
demande correspondent bien à l’une des finalités définies par la loi qui,
seules, peuvent justifier le recours aux interceptions de sécurité.
4) Il appartient aussi à la Commission de vérifier que la personne
visée est bien l’auteur potentiel de l’infraction en projet ou de l’acte mettant en cause divers intérêts nationaux. Cette personne doit être identifiée avec précision ou, si l’enquête ne permet pas de l’identifier, elle
doit être caractérisée avec suffisamment de détails pour ne pouvoir être
confondue avec une autre. La loi de 1991 n’a jamais prévu qu’on puisse
écouter les « entourages » (s’ils ne sont pas complices) du seul fait de
cette qualité ; elle n’a pas davantage autorisé qu’on intercepte les communications des victimes. La Commission s’en est donc constamment
tenue au critère de la présomption d’implication directe et personnelle.
5) Il revient enfin à la Commission de contrôle de vérifier que les
renseignements à recueillir relèvent d’une phase administrative et non
judiciaire, du moins dans les domaines dans lesquels une infraction est
possible (tel n’est pas toujours le cas, par exemple pour des matières
que la loi qualifie de sécurité nationale). Autrement dit, que les indices
déjà connus et qui doivent être encore rassemblés ne sont pas suffisamment précis et certains pour constituer des éléments justifiant l’ouverture d’une enquête ou d’une information judiciaire. C’est là évidemment
une appréciation délicate, dont la justesse dépend du degré de précision
de la demande présentée. Mais elle est essentielle : elle engage en effet
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