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Le Conseil d’Etat est seul compétent pour statuer sur la légalité de la mise en œuvre d’une
technique de renseignement, par voie d’action : à ce titre, il peut être saisi par toute personne
y ayant un intérêt direct et personnel, ce qui constitue un mode de saisine très large, sans
obstacle probatoire, le simple soupçon étayé de la mise en œuvre d’une mesure de
surveillance suffisant. Afin d’offrir une garantie supplémentaire au citoyen, la saisine du
Conseil d’Etat est précédée d’une saisine de la CNCTR, qui de fait, constitue une instance de
mettre en état sa réclamation.
Il peut également être saisi par la CNCTR à la majorité absolue de ses membres (ou de
seulement d’eux d’entre eux lorsque la technique de renseignement s’accompagne d’une
intrusion dans un domicile ou dans un système de traitement automatisé d’informations),
lorsque celle-ci estime qu’une mesure a été autorisée ou une technique a été mise en œuvre en
méconnaissance des dispositions de la présente loi ou que ses recommandations n’ont pas été
suivies d’effet.
Il peut enfin être également saisi à titre préjudiciel, par toute juridiction administrative ou
autorité judiciaire saisie d’un litige dont la solution dépend de la légalité d’une technique de
renseignement couverte par le secret de la défense nationale, dont la mise en œuvre est
alléguée : la juridiction de droit commun, pénale ou administrative ou le procureur de la
République, peuvent ainsi le saisir à titre préjudiciel et se trouvent liés par sa décision quant à
la légalité de la technique mise en œuvre.
A ce titre, seule la juridiction pénale regarde comme opérant le moyen tiré de l’irrégularité de
la mise en œuvre des techniques de renseignement, soit pour condamner pénalement son
auteur, soit pour annuler la procédure fondée sur les données collectées irrégulièrement.
L’article L. 842-6 du code de la sécurité intérieure prévoit à ce titre que lorsque l’irrégularité
constatée par le Conseil d‘Etat est susceptible de constituer une infraction, elle en avise le
procureur de la République et transmet l’ensemble des éléments du dossier au vu duquel elle a
statué à la Commission consultative du secret de la défense nationale afin que celle-ci donne
au Premier ministre son avis sur la possibilité de déclassifier tout ou partie de ces éléments en
vue de leur transmission au Procureur de la République.
L’article 4 aménage la procédure applicable à ce contentieux, en dérogeant sur certains points
au code de justice administrative, pour concilier droit au recours effectif et exigences du
secret de la défense nationale. Est ainsi inséré un chapitre spécial au titre VII du Livre VII du
code de justice administrative, relatif au contentieux de la mise en œuvre des techniques de
renseignement.
Ces aménagements, exigés par le secret de la défense nationale, portent essentiellement :
- sur une procédure contradictoire asymétrique, adaptée aux exigences du secret de la
défense nationale : la formation de jugement peut se fonder sur tous éléments relatifs à
la mise en œuvre des techniques alléguées sans les verser au contradictoire (article L.
773-3 du même code).
- à la publicité des audiences à laquelle le président de la formation de jugement peut
déroger en ordonnant le huis-clos (article L. 773-4 du même code).
-
à la motivation de la décision, qui lorsqu’aucune technique de renseignement n’a été
mise en œuvre ou lorsqu’elle l’a été de manière légale, se borne à indiquer qu’aucune
illégalité n’a été commise, sans confirmer ni infirmer la mise en œuvre d’une telle
technique (article L. 773-6 du même code). Cette motivation est donc compatible avec