Conseil d'État, Assemblée, 21/04/2021, 393099, P...

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champ d'application du droit de l'Union et qu'est invoqué devant lui le moyen tiré de ce que cet acte, ou les dispositions
législatives qui en constituent la base légale ou pour l'application desquelles il a été pris, sont contraires à une directive ou un
règlement européen, il appartient au juge administratif, après avoir saisi le cas échéant la CJUE d'une question préjudicielle
portant sur l'interprétation ou la validité de la disposition du droit de l'Union invoquée, d'écarter ce moyen ou d'annuler l'acte
attaqué, selon le cas.,,,Toutefois, s'il est saisi par le défendeur d'un moyen, assorti des précisions nécessaires pour en apprécier
le bien-fondé, tiré de ce qu'une règle de droit national, alors même qu'elle est contraire à la disposition du droit de l'Union
européenne invoquée dans le litige, ne saurait être écartée sans priver de garanties effectives une exigence constitutionnelle, il
appartient au juge administratif de rechercher s'il existe une règle ou un PGD de l'Union européenne qui, eu égard à sa nature et
à sa portée, tel qu'il est interprété en l'état actuel de la jurisprudence du juge de l'Union, garantit par son application l'effectivité de
l'exigence constitutionnelle invoquée. Dans l'affirmative, il lui revient, en l'absence de difficulté sérieuse justifiant une question
préjudicielle à la CJUE, d'écarter cette argumentation avant de faire droit au moyen du requérant, le cas échéant.,,,Si, à l'inverse,
une telle disposition ou un tel PGD de l'Union n'existe pas ou que la portée qui lui est reconnue dans l'ordre juridique européen
n'est pas équivalente à celle que la Constitution garantit, il revient au juge administratif d'examiner si, en écartant la règle de droit
national au motif de sa contrariété avec le droit de l'Union européenne, il priverait de garanties effectives l'exigence
constitutionnelle dont le défendeur se prévaut et, le cas échéant, d'écarter le moyen dont le requérant l'a saisi.... ,,ii)
Gouvernement soutenant en défense que les dispositions du droit national relatives aux conditions de conservation des données
de connexion par les opérateurs de communications électroniques, qui sont contestées au motif qu'elles seraient contraires au
droit de l'Union européenne, ne sauraient être écartées sans priver de garanties effectives les objectifs de valeur constitutionnelle
(OVC) de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des
auteurs d'infraction pénale et de lutte contre le terrorisme.... ,,Il ressort en effet de l'article 12 de la Déclaration des droits de
l'Homme et du citoyen de 1789 que la garantie des droits de l'homme et du citoyen, sans laquelle une société n'a point de
constitution selon l'article 16 de la même Déclaration, nécessite une force publique. La sauvegarde des intérêts fondamentaux de
la Nation, la prévention des atteintes à l'ordre public, notamment celle des atteintes à la sécurité des personnes et des biens, la
lutte contre le terrorisme, ainsi que la recherche des auteurs d'infractions pénales constituent des OVC, nécessaires à la
sauvegarde de droits et de principes de même valeur, qui doivent être conciliés avec l'exercice des libertés constitutionnellement
garanties, au nombre desquelles figurent la liberté individuelle, la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée.,,,Selon le
paragraphe 2 de l'article 4 du TUE, il appartient à l'Union, y compris à la CJUE, de respecter l'identité nationale des Etats
membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, ainsi que les fonctions essentielles de l'Etat,
notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité
nationale, cette dernière restant de la seule responsabilité des Etats membres.... ,,Il ressort de la jurisprudence de la CJUE,
d'une part, que les objectifs de protection de la sécurité nationale et de lutte contre la criminalité grave, qui contribuent à la
protection des droits et des libertés d'autrui, sont au nombre des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union, comme tels
susceptibles de justifier des limitations aux droits garantis par la Charte en vertu de son article 52, et, d'autre part, que si l'article
6 de la Charte, qui garantit le droit à la sûreté, ne saurait être interprété comme imposant aux pouvoirs publics une obligation
d'adopter des mesures spécifiques en vue de réprimer des infractions pénales, il découle de ses articles 3, 4 et 7, qui
garantissent le droit au respect de l'intégrité de la personne, l'interdiction de la torture et des peines et traitements inhumains ou
dégradants et le respect de la vie privée et familiale, des obligations positives à la charge de l'Etat, incluant la mise en place de
règles permettant une lutte effective contre certaines infractions pénales.,,,Toutefois, les exigences constitutionnelles
mentionnées ci-dessus, qui s'appliquent à des domaines relevant exclusivement ou essentiellement de la compétence des Etats
membres en vertu des traités constitutifs de l'Union, ne sauraient être regardées comme bénéficiant, en droit de l'Union, d'une
protection équivalente à celle que garantit la Constitution.,,,Par suite, il revient au juge administratif d'examiner si, en écartant la
règle de droit national contestée au motif de sa contrariété avec le droit de l'Union européenne, il priverait de garanties effectives
ces exigences constitutionnelles dont le défendeur se prévaut et, le cas échéant, d'écarter le moyen dont le requérant l'a saisi.
26-07-04 Par son arrêt du 6 octobre 2020 La Quadrature du Net et autres (C-511/18, C-512/18, C-520/18), la Cour de justice de
l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 ne s'opposait pas à ce que des
mesures législatives permettent, aux fins de sauvegarde de la sécurité nationale, d'imposer aux opérateurs la conservation
généralisée et indifférenciée des données de trafic et des données de localisation, sous réserve qu'une décision soumise à un
contrôle effectif constate l'existence d'une menace grave pour la sécurité nationale qui s'avère réelle et actuelle ou prévisible,
pour une durée limitée au strict nécessaire, mais renouvelable en cas de persistance de la menace.... ,,Il ressort en outre du
point 135 de cet arrêt que la responsabilité des Etats membres en matière de sécurité nationale, au sens du droit de l'Union,
correspond à l'intérêt primordial de protéger les fonctions essentielles de l'Etat et les intérêts fondamentaux de la société, et
inclut la prévention et la répression d'activités de nature à déstabiliser gravement les structures constitutionnelles, politiques,
économiques ou sociales fondamentales d'un pays, et en particulier à menacer directement la société, la population ou l'Etat en
tant que tel, telles que notamment des activités de terrorisme.,,,1) Ni l'article L. 34-1 du code des postes et des communications
électroniques (CPCE) ni l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ne prévoient un réexamen périodique, au regard des
risques pour la sécurité nationale, de la nécessité de maintenir l'obligation faite aux personnes concernées de conserver les
données de connexion. Ces articles, ainsi, par suite, que l'article R. 10-13 du CPCE et le décret n° 2011-219 du 25 février 2011,
en tant qu'ils ne subordonnent pas le maintien en vigueur de cette obligation au constat, à échéance régulière, qui ne saurait
raisonnablement excéder un an, de la persistance d'une menace grave, réelle et actuelle ou prévisible, pour la sécurité nationale
sont, dans cette mesure, contraires au droit de l'Union européenne.... ,,Il résulte de ce qui précède que, s'agissant de l'objectif de
sauvegarde de la sécurité nationale, le refus d'abroger l'article R. 10-13 du CPCE et l'article 1er du décret du 25 février 2011 doit
être annulé en tant seulement que leurs dispositions ne prévoient pas un réexamen périodique de l'existence d'une menace
grave, réelle et actuelle ou prévisible pour la sécurité nationale, s'agissant des données qu'elles mentionnent autres que celles
afférentes à l'identité civile, aux comptes et aux paiements des utilisateurs et aux adresses IP.... ,,Il y a lieu d'enjoindre au
gouvernement de compléter ces dispositions dans un délai de six mois à compter de la présente décision.... ,,2) Il ressort des

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