Conseil d'État, Assemblée, 21/04/2021, 393099, P...
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rétroactive des décrets attaqués, qui n'impliquerait par elle-même la suppression d'aucune donnée recueillie par les services de
renseignement sur leur fondement, n'emporterait pas de conséquences manifestement excessives pas plus qu'elle ne priverait de
garanties effectives les exigences constitutionnelles mentionnées au point 9.
98. Par ailleurs, l'annulation des décrets attaqués, compte tenu de sa portée, implique seulement, dans l'attente de l'intervention des
textes nécessaires à la mise en conformité des dispositions du droit national avec le droit de l'Union européenne, qu'en cas d'avis
défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, le Premier ministre ne pourra légalement
autoriser la mise en oeuvre des techniques de renseignement mentionnées aux articles L. 851-1, L. 851-2, L. 851-4 et au IV de l'article
L. 851-3 avant l'intervention de la décision du Conseil d'Etat, qu'il appartiendra alors à la commission de saisir en application de l'article
L. 833-8 du même code. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de différer dans le temps les effets de l'annulation ainsi prononcée.
IV. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
99. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacune des associations requérantes ainsi que la
somme de 1 500 euros à verser aux sociétés Free Mobile et Free au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE:
-------------Article 1er : Sont annulées les décisions du Premier ministre refusant d'abroger l'article R. 10-13 du code des postes et des
communications électroniques et le décret du 25 février 2011 relatif à la conservation et à la communication des données permettant
d'identifier toute personne ayant contribué à la création d'un contenu mis en ligne, en tant que ces dispositions réglementaires, d'une
part, ne limitent pas les finalités de l'obligation de conservation généralisée et indifférenciée des données de trafic et de localisation
autres que les données d'identité civile, les coordonnées de contact et de paiement, les données relatives aux contrats et aux comptes
et les adresses IP à la sauvegarde de la sécurité nationale et, d'autre part, ne prévoient pas un réexamen périodique de l'existence
d'une menace grave, réelle et actuelle ou prévisible pour la sécurité nationale.
Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de procéder à cette abrogation dans un délai de six mois à compter de la présente décision.
Article 3 : Les décrets du 11 décembre 2015 et du 29 janvier 2016 sont annulés en tant seulement qu'ils permettent la mise en oeuvre
des dispositions des articles L. 851-1, L. 851-2, L. 851-4 et du IV de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure sans contrôle
préalable par une autorité administrative indépendante dotée d'un pouvoir d'avis conforme ou une juridiction, en dehors des cas
d'urgence dûment justifiée.
Article 4 : La requête n° 394922 est rejetée.
Article 5 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à l'association La Quadrature du Net, 3 000 euros à l'association French Data
Network, 3 000 euros à la Fédération des fournisseurs d'accès à internet associatifs, 3 000 euros à l'association Igwan.net, 1 500 euros
à la société Free Mobile et 1 500 euros à la société Free au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée aux associations La Quadrature du Net, French Data Network, Igwan.net, à la Fédération
des fournisseurs d'accès à internet associatifs, à la société Free Mobile, à la société Free, au Premier ministre, au ministre de
l'économie, des finances et de la relance, à la ministre des armées, au ministre de l'intérieur, au garde des sceaux, ministre de la
justice, à Privacy International et au Center for Democracy and Technology.
Copie en sera adressée à la Fédération française des télécoms.
ECLI:FR:CEASS:2021:393099.20210421
Analyse
Abstrats
01-04-005 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE
LA RÈGLE DE DROIT. CONSTITUTION ET PRINCIPES DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE. - OBLIGATION DE RESPECTER
LE DROIT DE L'UNION (ART. 88-1 DE LA CONSTITUTION) - I) PORTÉE - 1) OBLIGATION DE TRANSPOSITION DES
DIRECTIVES ET D'ADAPTATION DU DROIT INTERNE AUX RÈGLEMENTS [RJ1] - JUGE NATIONAL TENU DE LAISSER
INAPPLIQUÉE TOUTE DISPOSITION CONTRAIRE AU DROIT DE L'UNION RÉSULTANT D'UN ENGAGEMENT
INTERNATIONAL, D'UNE LOI OU D'UN ACTE ADMINISTRATIF [RJ2] - 2) SUPRÉMATIE DE LA CONSTITUTION [RJ3] - II)
CONSÉQUENCES SUR L'OFFICE DU JUGE ADMINISTRATIF - 1) PRINCIPES - A) INTERPRÉTATION DU DROIT DE
L'UNION CONFORMÉMENT À LA CONSTITUTION - B) MISE À L'ÉCART D'UNE NORME DE DROIT DÉRIVÉ AYANT POUR
EFFET DE PRIVER DE GARANTIES EFFECTIVES UNE EXIGENCE CONSTITUTIONNELLE NE BÉNÉFICIANT PAS EN
DROIT DE L'UNION D'UNE PROTECTION ÉQUIVALENTE [RJ4] - C) CONTRÔLE ULTRA VIRES [RJ5] - ABSENCE - 2)
APPLICATIONS - MODALITÉS DE CONTRÔLE - A) MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE, PAR UN ACTE
RÉGLEMENTAIRE ASSURANT DIRECTEMENT LA TRANSPOSITION D'UNE DIRECTIVE OU L'ADAPTATION DU DROIT
INTERNE À UN RÈGLEMENT ET DONT LE CONTENU DÉCOULE NÉCESSAIREMENT DES OBLIGATIONS PRÉVUES PAR
LA DIRECTIVE OU LE RÈGLEMENT, DE PRINCIPES ET DISPOSITIONS À VALEUR CONSTITUTIONNELLE [RJ6] - B) I)
MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE, PAR UN ACTE ADMINISTRATIF RELEVANT DU CHAMP D'APPLICATION DU
DROIT DE L'UNION, D'UNE DIRECTIVE OU D'UN RÈGLEMENT - MOYEN EN DÉFENSE TIRÉ DE CE QU'UNE RÈGLE DE
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