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AUDITION DES MINISTRES ET DISCUSSION GÉNÉRALE
Au cours de sa séance du mardi 31 mars 2015, la Commission procède à
l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, de M. Jean-Yves
Le Drian, ministre de la Défense, et de Mme Christiane Taubira, garde des
Sceaux, ministre de la Justice.
M. Dominique Raimbourg, président. Nous entamons l’examen du
projet de loi relatif au renseignement dont le président de la Commission, JeanJacques Urvoas, est le rapporteur. Nous commençons nos débats par l’audition de
trois ministres – signe de l’importance de ce projet de loi, présenté au nom du et,
fait rare, par le Premier ministre, projet qui fait l’objet de plus de trois cents
amendements. Madame et messieurs les ministres, je vous laisse la parole avant de
laisser s’exprimer le rapporteur, puis tous ceux qui souhaitent poser des questions.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Le projet de loi que
vous examinerez à partir de demain porte sur une politique publique rarement
débattue au grand jour mais qui revêt pourtant une importance capitale pour la
sécurité des Français et pour la souveraineté de la France : celle du renseignement.
Cette politique a longtemps constitué dans notre pays un domaine du non-dit,
relevant de la compétence exclusive du pouvoir exécutif et couvert par ce qu’il
faut bien appeler la culture du secret. Il nous a ainsi fallu attendre la loi du
10 juillet 1991 pour que le Parlement, pour la première fois de son histoire,
débatte d’un moyen indispensable aux services de renseignement : les
interceptions de sécurité. L’adoption de ce premier texte a apporté la preuve que,
dans le secteur du renseignement comme dans les autres dimensions de notre
politique de sécurité, il est possible de conduire une action réformatrice tout en y
associant – c’est la volonté du Gouvernement – les représentants élus de la Nation.
Il est en effet conforme aux principes de nos institutions que le Parlement
participe à l’élaboration de notre politique du renseignement. Il est également
nécessaire qu’il exerce son contrôle sur l’action gouvernementale et sur l’activité
des services concernés, dans un cadre adapté au caractère sensible des questions
qu’ils traitent. Sur ce point, avouons-le, nous étions en retard par rapport à nos
partenaires des autres grandes démocraties occidentales – européennes et
américaine ; c’est ce retard que nous souhaitons combler.
Le projet de loi déposé par le Gouvernement doit nous permettre de définir
ensemble, de façon transparente, les moyens dont il faut doter les services de
renseignement face aux évolutions des menaces et des techniques, et de prévoir le
cadre juridique propre à en assurer le contrôle. Le principe de proportionnalité
continuera bien sûr de régir strictement l’accès et l’exploitation des données –
notamment numériques – utiles à leurs missions. Cette loi servira donc à la fois la
protection des Français dans toute l’étendue de leurs droits, celle de notre

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