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Ainsi, pareille prise de position méconnaît profondément la jurisprudence
constante du Conseil constitutionnel (1). En effet, le Conseil a très clairement
indiqué que l’article 66 visait non l’ensemble des libertés personnelles, mais la
liberté de ne pas être arbitrairement détenu.
Dès lors, le caractère potentiellement intrusif des mécanismes envisagés,
s’il peut entamer par nature les libertés individuelles, ne se heurte guère à l’article
précité en l’absence de toute contrainte physique. De surcroît, le juge
constitutionnel établit une distinction entre la police judiciaire, dédiée à la
répression d’une infraction ainsi qu’à la recherche de ses auteurs, et la police
administrative qui a pour but de « faire cesser un trouble déjà né, fût-il constitutif
d’infraction, et [de concourir à] la prévention des infractions ». Dès lors, si les
moyens octroyés dans le cadre de la première activité sont soumis à l’autorisation
du juge (la jurisprudence est constante sur cette question), les moyens prévus dans
le cadre de la seconde activité relèvent de la responsabilité du pouvoir exécutif (2).
C’est en ce sens que le Conseil d’État considère que la loi de 1991 relative
aux interceptions de sécurité constitue un bon modèle pour fonder une réflexion
spécifique à cette thématique.
En revanche, le Conseil constitutionnel avait posé, dans sa décision
n° 76-75 DC du 12 janvier 1977, la nécessité que les pouvoirs d’investigation
octroyés soient précisément définis, qu’ils répondent à un objectif déterminé (les
intérêts fondamentaux de la Nation ou la sauvegarde de l’ordre public (3) dans le
cas présent), qu’ils fassent l’objet d’un cadre légal et qu’ils soient soumis à des
contrôles.
Aussi, tant le périmètre du projet de loi, que le cadre prévu pour mettre en
œuvre les techniques de recueil de renseignement envisagées ou encore l’autorité
administrative indépendante chargée de délivrer une autorisation (la CNCTR) ne
heurtent en rien la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans son avis sur le
présent projet de loi, le Conseil d’État a d’ailleurs fait sienne cette interprétation
en considérant que « la mise en œuvre des techniques prévues par le projet de loi
relevant de la police administrative, la juridiction administrative est compétente
pour connaître des litiges relatifs à celle-ci ».
Reste enfin une critique étonnante et qui vise l’indépendance du juge
administratif, et singulièrement du Conseil d’État vis-à-vis de l’exécutif.
Faut-il alors rappeler que si, dans la Constitution de l’an VIII, le Conseil
d’État apparaissait comme le conseiller de l’exécutif, il a progressivement gagné
son indépendance et son statut de juge dans la loi du 24 mai 1872. De plus, la
création des tribunaux administratifs en 1953 et des cours administratives d’appel
(1) Voir le commentaire de la décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, Les cahiers du Conseil
constitutionnel, n° 20.
(2) Conseil constitutionnel, décision n°2005-532 DC du 19 janvier 2006.
(3) Conseil constitutionnel, décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 pour cette dernière exigence.

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