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Après une discrète entrée dans la pensée stratégique officielle à l’occasion
du Livre blanc sur la défense nationale de 1994, le renseignement a été érigé en
fonction stratégique (nommée « connaissance et anticipation ») par le Livre blanc
sur la défense et la sécurité nationale de 2008. La novation traduisait
incontestablement la reconnaissance de l’importance de ce domaine pour notre
sécurité nationale. Cependant, à cette occasion, ce même Livre blanc
constatait déjà : « Les activités de renseignement ne disposent pas aujourd’hui
d’un cadre juridique clair et suffisant. Cette lacune doit être comblée. » (1)
Le Parlement ne pouvait rester à l’écart d’un enjeu aussi stratégique.
Depuis le début de la présente législature, plusieurs de ses organes comme la
délégation parlementaire au renseignement (2), des commissions d’enquête ou des
missions d’information (3) se sont mobilisés et ont produit une importante
réflexion permettant d’irriguer le décisif travail interministériel annoncé par le
président de la République le 9 juillet 2014 lors du Conseil national du
renseignement et qui a abouti à la présentation de ce projet de loi.
Son principal apport est de proposer un cadre juridique unifié qui présente
trois bénéfices majeurs :
— il va protéger les libertés individuelles en précisant pourquoi, dans et
sous quelles conditions les services pourront mettre en œuvre des techniques de
collecte du renseignement, en établissant un régime de contrôle et en prévoyant
des voies effectives de recours pour les citoyens ;
— il va légitimer l’activité des services, en définissant précisément leurs
missions et en reconnaissant leur rôle dans la défense des intérêts fondamentaux
de la Nation, de la forme républicaine de nos institutions et de notre modèle
démocratique ;
— il va renforcer la sécurité juridique des agents de ces administrations
régaliennes.
En ce sens, le projet de loi est donc une avancée majeure pour l’État de
droit et partant pour la République car si le secret peut être nécessaire à l’activité
des services, il ne peut servir à masquer des pratiques arbitraires.
(1) Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, Paris, Odile Jacob/La Documentation française, 2008,
p. 142.
(2) En l’espèce, se reporter au rapport public pour l’année 2014, pp. 65-87.
(3) On citera les rapports de MM. Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère, Pour un « État secret » au service
de notre démocratie, rapport d’information sur l’évaluation du cadre juridique applicable aux services de
renseignement, doc. AN n° 1022, 14 mai 2013, 205 p. ; M. Jean-Jacques Urvoas, rapport fait au nom de la
commission d’enquête sur le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi et la
surveillance des mouvements radicaux armés, doc. AN n° 1056, 24 mai 2013, 163 p.