Contributions
Il revient aux opérateurs, aux pouvoirs publics, à la CNCIS et au juge de donner, cas par cas, consistance et étendue à ces notions. Travail essentiel et
classique de qualification juridique des faits, duquel dépend le champ d’application de la loi ; mais travail rendu difficile par les changements du
contexte dans lequel il intervient désormais.
Que faut-il entendre par correspondance ?
Aujourd’hui comme il y a dix ans, nous avons deux catégories – et
deux seulement – dans lesquelles faire entrer un message émis par un procédé de télécommunication : la correspondance privée et la communication audiovisuelle. Ce dualisme, commode mais sommaire, est très fréquent
en droit français, mais, ici comme ailleurs, la technique le malmène :
peut-on encore faire entrer une gamme très nuancée de données dans deux
ensembles seulement, sans faire trop souffrir la réalité et le droit ?
La loi du 30 septembre 1986 (article 2, al. 2) définit la communication
audiovisuelle comme : « toute mise à disposition du public, par un procédé
de télécommunication, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons
ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée ». En quoi, elle fait sagement de la communication audiovisuelle une sous – catégorie de la communication, laquelle est
fondamentalement une opération de mise d’un message à la disposition du
public. Il en va de même des autres formes de communication, écrite, orale,
gestuelle, visuelle..., dont le code de la propriété intellectuelle donne de saisissantes énumérations dans ses articles L. 122-2 (relatif à la représentation)
et L. 122-3 (relatif à la reproduction).
Le législateur n’a jamais défini la correspondance privée : on en déduit
a contrario qu’elle englobe les messages qui ne sont pas mis à la disposition
au public, qui sont donc destinés à des personnes nommément désignées
par leur émetteur (cf. la circulaire du 17 février 1988). Peu importe, à nouveau
le procédé : lettre, télégramme, téléphone, télécopie, mail...
La « convergence multimédias » complique assurément la mise en
œuvre de la distinction : celle-ci ne peut plus s’appuyer autant que par le
passé sur la nature physique du support et du vecteur utilisés. C’est d’ailleurs pourquoi on ne peut pas raisonnablement soutenir que l’article 20 de
la loi écarterait de son champ d’application tout service empruntant la voie
hertzienne. La distinction repose plus que jamais sur un critère subjectif, par
essence malaisé à appliquer concrètement : l’intention de l’auteur du message. Encore faut-il la corréler avec la bonne foi, qui est surtout, en pareille
matière, affaire de vraisemblance technique : on ne saurait revendiquer le
secret lorsque l’on utilise un procédé que l’on sait destiné au public.
Le cryptage, somme tout, ne change rien à la chose. Certes, il constitue un indice de la volonté de secret qui inspire l’émetteur du message,
mais cet indice n’est pas du tout déterminant : bien des correspondances
circulent « en clair » et n’en sont pas moins protégées par le secret ; bien
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