CNCIS - Dixième anniversaire de la Commission
faciles à identifier. Elle s’applique désormais à des réseaux dont l’usage est
de plus en plus indifférencié et à des messages, qui, pour être toujours de
correspondance privée, sont difficiles à distinguer dans la suite de « paquets » numérisés qui circulent sur le fil ou sur les ondes : ils le sont d’autant
plus qu’ils peuvent être dissimulés au sein d’autres envois. Les repères physiques ont disparu, ou, à tout le moins, se sont estompés.
La numérisation permet, par ailleurs, le stockage de masses énormes
de données sur des supports très variés, eux aussi multimédias. C’est un
autre changement important : les conversations téléphoniques « classiques » étaient instantanées : le plus souvent elles n’étaient pas enregistrées ; l’interception avait précisément pour objet, d’une part de saisir « au
vol » ce qui était essentiellement fugitif, d’autre part d’en conserver une
trace durable, et donc une preuve. Aujourd’hui, nombre de correspondances sont conservées dans les mémoires des répondeurs et des messageries, qu’elles soient téléphoniques ou électroniques. Paradoxalement, cette
évolution est un retour aux sources : comme le montrent les expressions de
« boîtes vocales », de « boîtes aux lettres »..., on se rapproche du courrier
écrit d’antan : après avoir été lues, les lettres pouvaient (et peuvent toujours)
être archivées ou copiées. Dès lors, c’est la notion même d’« interception »
qui risque d’être remise en cause.
Rien n’a changé
Et d’abord pas la loi, restée intacte alors que le code des postes et télécommunications et la loi de 1986 ont été très souvent et substantiellement
amendés.
En premier lieu, elle avait anticipé sur l’ouverture effective du marché
des télécommunications en prévoyant que les exploitants de réseaux et les
fournisseurs de services autres que France Télécom « prennent les mesures nécessaires pour assurer l’application des dispositions de la présente
loi » (article 21), ce que confirme l’article L. 35-6 du code des postes et télécommunications depuis la loi de finances rectificative pour 2000, approuvée
– sur ce point, du moins – par la décision 2000-441 DC du Conseil constitutionnel. Au demeurant, les arrêtés d’autorisation visent la loi du 10 juillet
1991 ; comme l’impose l’article D 98-1 du code des postes et télécommunications, le cahier des charges qui leur est annexé comporte un paragraphe
intitulé « Respect du secret des correspondances et neutralité », dans lequel
figure notamment la prescription suivante : « conformément à l’article 1er
de la loi du 10 juillet 1991 [...], il ne peut être porté atteinte à ce secret que par
l’autorité publique, dans les cas et conditions posées par la loi ».
En second lieu-et surtout – le législateur a eu la sagesse de ne pas
s’enfermer dans des définitions, qu’il s’agisse de la correspondance ou de
l’interception de sécurité. Dès lors, il a donné au texte une capacité d’adaptation aux évolutions techniques qui lui permet de résister à l’obsolescence.
72