Contributions
La convergence et le multimédia
Il y a là un autre changement important de contexte par rapport à
1991.
Le multimédia n’était pas inconnu à l’époque. Dès l’année suivante, la
loi du 20 juin 1992 relative au dépôt légal a employé le mot dans son article
1er (« Les documents imprimés, graphiques, photographiques, sonores, audiovisuels, multimédias, quel que soit leur procédé technique de production, d’édition ou de diffusion, font l’objet d’un dépôt [...] »). Mais le
phénomène commençait à peine : ce n’est qu’en 1992 que le sénateur Al
Gore, candidat à la vice-présidence des États-Unis, a lancé l’expression
« autoroutes de l’information ».
La « convergence » est liée à la numérisation des signaux. Elle leur
permet de circuler par des voies filaires ou hertziennes les plus diverses et
en nombre d’autant plus important qu’ils sont « compressés » par paquets
successifs.
Dès lors peu importe la nature du vecteur : que le réseau soit initialement ou « officiellement » dédié aux télécommunications, à la communication audiovisuelle, voire à un autre usage (comme le transport de
l’électricité), il acquiert la capacité de transporter des signaux, et donc des
données ou des messages, de nature différente. La chose n’est pas tout à
fait nouvelle : on se souvient que dans les années 80, les ingénieurs – et à
leur suite, les autorités publiques – ont imposé une distinction entre les satellites de télécommunication et les satellites de télédiffusion directe, avec
de savantes explications sur le « point-multipoint » et le « point à point » :
elle n’a pas résisté longtemps à l’expérience, qui a montré que les uns et les
autres pouvaient faire à peu près la même chose.
Le droit s’efforce certes de suivre l’évolution technique : ainsi l’article
L. 34-4 du code des postes et télécommunications, (ainsi que l’article 33-3
de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) édicte
les conditions auxquelles des services de télécommunications peuvent être
fournis sur des réseaux de vidéocommunication. Pour l’accès à l’internet
notamment, cela n’a pas été sans conflits entre France Télécom (lorsqu’elle
était propriétaire des réseaux) et les câblo-opérateurs : ils ont été tranchés,
en faveur de ces derniers, par l’ART, approuvée par le juge (CA Paris, 28 avril
1998). Une loi du 10 avril 1996 a, par ailleurs, donné un cadre juridique provisoire pour les « expérimentation dans le domaine des technologies et services de l’information ».
Il n’y en a pas moins une grande différence entre les deux phénomènes que l’on a présentés : alors que la multiplication des opérateurs a été
voulue par le législateur, convergence et multimédias résultent d’une évolution technique qu’il ne maîtrise pas et qui le bouscule.
Cela pèse particulièrement lourd sur la loi de 1991. Elle a été pensée
en fonction d’une part de réseaux de télécommunications (essentiellement
filaires), d’autre part de messages de correspondance, les uns et les autres
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