CNCIS - Dixième anniversaire de la Commission

La loi de 1991, 10 ans après,
Didier TRUCHET, professeur à l’université
Panthéon-Assas (Paris II)

10 juillet 1991 : M. F. Mitterrand est président de la République, Mme E.
Cresson Premier ministre, M. H. Nallet garde des Sceaux, M. J.-M. Rausch
ministre délégué, chargé de la Poste et des Télécommunications. La période est animée sur le plan international, mais assez paisible en France. Le
bilan législatif de 1991 est modeste : 1 291 lois certes, mais guère de grands
textes. Un statut de la Corse (déjà !), une réforme des procédures civiles
d’exécution, une autre de l’aide juridique... et la loi relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications.
Même si la question des écoutes téléphoniques alimente régulièrement la chronique depuis les années soixante, la loi n’est pas suscitée par
une « affaire » particulière, un scandale auquel il conviendrait de mettre fin
de manière urgente, mais par des circonstances juridiques : la Cour européenne des Droits de l’homme vient de juger que le dispositif français
d’écoutes judiciaires ne comporte pas toutes les garanties qu’implique l’article 8 de la Convention (arrêts Kruslin et Huvig du 24 avril 1990) ; le législateur français saisit l’occasion pour mettre également le système d’écoutes
administratives en conformité avec la jurisprudence, déjà assez ancienne,
de la Cour (arrêt Klass c. RFA, 6 septembre 1978).
La discussion de la loi est consensuelle ; le Conseil constitutionnel
n’en est pas saisi. Peu commentée, elle passe relativement inaperçue.
La relire, dix ans après, donne le sentiment d’un texte atypique : une
loi « à l’ancienne » sur un sujet moderne.
« À l’ancienne » par sa facture classique : un texte de vingt-sept articles assez brefs, qui contraste agréablement avec l’actuelle logorrhée législative ; un article de principe et trois titres ; un principe sobrement exprimé
et ses exceptions, judiciaires et administratives. Et surtout, pas de définition : cette absence doit être relevée, tant il est devenu fréquent que notre législateur définisse à tout de bras, notamment pour transposer des directives
communautaires (mais il n’y en avait pas ici) et tant elle contribue à la souplesse d’application de la loi, comme on le verra plus loin.
Une loi de son temps cependant : cédant au parler « politiquement
correct », elle évoque les « interceptions de sécurité » et non les « écoutes » ; elle institue une Commission nationale de contrôle des interceptions
de sécurité dont elle fait expressément une autorité administrative indépendante. Et elle porte sur un domaine, celui des télécommunications, qui, en
1991, entre en effervescence et, avec les nouvelles technologies de l’infor-

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