Contributions
la jurisprudence étant assimilée à la « loi ». C’est la qualité de cette « loi » qui
a été critiquée par les arrêts. Tout en énumérant les garanties offertes par le
droit français la Cour a noté que seules certaines d’entre elles étaient inscrites dans le code de procédure pénale (art. 81, 151 et 152) que d’autres provenaient de la jurisprudence postérieure aux faits l’espèce (1982) et que d’autres garanties, enfin, n’avaient pas été consacrées par la jurisprudence 1. Suivent les paragraphes ci-après :
« Surtout, le système n’offre pas pour le moment des sauvegardes
adéquates contre divers abus à redouter. Par exemple, rien ne définit les catégories de personnes susceptibles d’être mises sous écoute judiciaire, ni la
nature des infractions pouvant y donner lieu ; rien n’astreint le juge à fixer
une limite à la durée de l’exécution de la mesure ; rien non plus ne précise
les conditions d’établissement des procès-verbaux de synthèse consignant
les conversations interceptées, ni les précautions à prendre pour communiquer intacts et complets les enregistrements réalisés, aux fins de contrôle
éventuel par le juge – qui ne peut guère se rendre sur place pour vérifier le
nombre et la longueur des bandes magnétiques originales – et par la défense, ni les circonstances dans lesquelles peut ou doit s’opérer l’effacement ou la destruction desdites bandes, notamment après non-lieu ou
relaxe. Les renseignements donnés par le Gouvernement sur ces différents
points révèlent au mieux l’existence d’une pratique, dépourvue de force
contraignante en l’absence de texte ou de jurisprudence.
« En résumé, le droit français, écrit et non écrit, n’indique pas avec assez de clarté l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation
des autorités dans le domaine considéré. Il en allait encore davantage ainsi
à l’époque des faits de la cause, de sorte que M. Kruslin n’a pas joui du degré
minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société
démocratique (arrêt Malone précité, série A no 82, p. 36, § 79). Il y a donc eu
violation de l’article 8 de la Convention). »
La voie était dès lors ouverte pour une réforme du droit applicable.
C) Les conséquences immédiates des arrêts de la Cour européenne
des Droits de l’homme.
La leçon dispensée sur les bords du Rhin fut vite entendue sur les rives de la Seine.
1) Elle le fut d’abord par le ministère de la Justice. Dès le 27 avril 1990, le
directeur des affaires criminelles et des grâces adressa en urgence aux chefs
de cours et de tribunaux de grande instance une note analysant les arrêts
1) « Le gouvernement paraît les déduire soit de textes ou principes généraux, soit d’une
interprétation analogique de dispositions législatives, ou de décisions judiciaires, relatives à
des actes d’information distincts des écoutes, en particulier les perquisitions et les saisies.
Bien que plausible en soi, une telle “extrapolation” ne fournit pas en l’occurrence une sécurité
juridique suffisante ». Arrêt Kruslin, § 34, 2e alinéa (souligné par nous).
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