Contributions
A) Des pratiques aux bases juridiques incertaines.
Cela était vrai :
– des écoutes ordonnées par le juge d’instruction, certes autorisées, mais
dont l’encadrement juridique laissait beaucoup à désirer ;
– de celles qui étaient ordonnées par le parquet et les officiers de police judiciaire lors de l’enquête préliminaire. Longtemps admises par la jurisprudence, elles furent déclarées sans aucun fondement légal par la Cour de
Cassation en 1989, d’abord par la chambre criminelle 1, puis par l’assemblée
plénière 2. La Cour s’était explicitement fondée sur l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’homme 3 ;
– enfin des écoutes administratives, dépourvues de fondement légal.
L’évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la
Cour de Cassation relative certes à un domaine distinct, mais touchant à une
liberté non moins fondamentale – l’inviolabilité du domicile – ne faisait que
mettre davantage en relief une carence juridique certaine 4.
Celle-ci était d’autant plus sensible et critiquable qu’elle créait un état
d’insécurité juridique préjudiciable à tous : les citoyens, qui avaient droit de
connaître le statut de telles pratiques et de disposer des garanties adéquates ; les agents des services effectuant ou utilisant de telles écoutes, exposés à des actions en justice ; les juges, chargés de dire le droit, de le
respecter et de la faire respecter ; les gouvernements enfin, constamment
exposés aux tentations et au soupçon.
B) Des pratiques contraires aux engagements internationaux de la
France et exposant le gouvernement à une condamnation.
Il s’agit de l’article 8 de la Convention européenne des Droits de
l’homme 5. Concernant des écoutes téléphoniques, il avait donné lieu à plusieurs arrêts de la cour : Klass c. République fédérale d’Allemagne, 6 septembre 1978 ; Malone c. Royaume-Uni, 2 août 1984 ; Leander c. Suède,
26 avril 1987 et Schenk c. Suisse, 12 juillet 1988.
1) Cass. crim., 13 juin 1989, procureur général près la cour d’appel de Paris et autre, DS 1989 IR
219.
2) . Cass. Ass. plén. 24 novembre 1989, procureur général près la cour d’appel de Paris –
Baribeau et Derrien, Gazette du Palais 16-17 février 1990, p. 4, note Doucet ; JPC. 1990 II
-21418, Concl. Robert ; DS 1990. 34 cf. M. Pradel, « Écoutes téléphoniques et Convention
européenne des Droits de l’homme (à propos de Cass. Ass. plén., 24 novembre 1989, affaire
Baribeau) », DS 1990 ch. 15. Les conclusions de l’avocat général Robert ont été publiées dans le
Rapport de la Cour de Cassation 1989, 1990, La Documentation française, p. 143 et un extrait
dans le Bulletin d’information de la Cour de Cassation, 1er février 1990, p. 3. cf. aussi P. Kayser et
T. Renoux, « La Cour de Cassation et l’article 66 de la Constitution : à propos de l’arrêt de
l’Assemblée plénière du 24 novembre 1989 sur les écoutes téléphoniques », RFDC 1990-1-139.
3) Voir aussi, pour les écoutes utilisées par les agents des douanes, Cass., crim., 19 juin 1989,
Grayo.
4) Cf. Conseil constitutionnel, décisions no 83-164 DC du 29 décembre 1983, p. 67 (cf.
pp. 72-73) et 84-184 du 29 décembre 1984, p. 94 (cf. p. 102) ; Cass. crim. 15 décembre 1988.
5) « -1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et se sa
correspondance.
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