CNCIS - Dixième anniversaire de la Commission

Les origines de la loi du 10 juillet 1991,
Roger ERRERA, conseiller d’État honoraire

Faut-il réglementer les écoutes téléphoniques ? Et de quelle manière ? Pendant près de vingt ans une convention dominante, faite de scepticisme, de paresse et de consentement, résigné ou intéressé, au statu quo a
tenu lieu de politique dans ce pays. Très rares furent ceux qui ne se satisfirent pas d’un tel état de fait, et le dirent. Ce fut le cas du Sénat qui, en 1973,
s’informa, informa l’opinion, posa au gouvernement les questions pertinentes et fit des propositions.
Comment la France est-elle passée de ce « non-droit » à un droit plus
respectueux des exigences constitutionnelles et de nos engagements internationaux ? Le présent article s’efforce de répondre à cette question en distinguant la préhistoire 1 de la genèse 2 de la loi du 10 juillet 1991.

La préhistoire
Lorsque le texte qui deviendra la loi du 10 juillet 1991 est mis en chantier par le gouvernement, deux traits caractérisent l’évolution des vingt années qui viennent de s’écouler :
– un débat périodique sans fruit immédiat sur les écoutes téléphoniques ;
– une modification fondamentale du contexte juridique français et international.
1) Depuis une vingtaine d’années, un débat périodique a eu lieu sur le
statut des écoutes téléphoniques, sans fruit immédiat.
Si les occasions en furent diverses, l’issue fut la même : rien ne fut fait.
Les occasions furent au nombre de quatre.
A) Les travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 1970.
Lors de la discussion du projet de loi, et notamment des articles 368 et
suivants du code pénal relatifs à la protection pénale de la vie privée, le problème des écoutes téléphoniques fut évoqué à plusieurs reprises. Au sujet
des écoutes administratives, M. Mitterrand évoqua « la création d’une sorte
d’instance en faisant appel à quelques hauts magistrats de l’ordre administratif et judiciaire et peut-être aussi à quelques représentants du Conseil
constitutionnel » afin de les contrôler. Le débat reprit le lendemain. M. Mitterrand relata en détail le régime juridique de ces écoutes, les procédures en
vigueur et l’absence de garanties contre les abus.

1) JO AN, 1re séance du 27 mai 1970, p. 1999.
2) Idem, 2e séance du 28 mai 1970, p. 2071.

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