Contributions

ment par des détecteurs spécialisés et supérieurement équipés. On ne trouva rien. Jacques Chirac ne m’avait pas menti. Mais cela ne suffisait
naturellement pas à régler le problème d’ensemble.
Ma détermination d’assainir cette situation et de moraliser ces pratiques par une loi indiscutable et respectée fut donc une des premières obligations que je me suis formulées à moi-même en prenant mes fonctions.
Il me fallait pour cela au moins un homme de haute compétence à
mon cabinet. Les exigences étaient fortes : une totale maîtrise du droit public et administratif, une expérience politique profonde, et beaucoup de
courage.
Un homme au moins répondait à ces critères, le magistrat Louis Joinet. C’était lui qui avait, depuis le cabinet de Pierre Mauroy, conduit l’opération dite rapport Schmelck. Il était donc en plus le mieux placé. Mais il avait
passé en tout cinq ans dans les cabinets des premiers ministres Pierre Mauroy et Laurent Fabius et jurait ses grands dieux que cela lui suffisait comme
çà. Quiconque a tâté de ces fonctions comprend d’ailleurs fort bien, et ne
peut que lui donner raison. Mais j’avais besoin de lui. Mon directeur de cabinet Jean-Paul Huchon et surtout mon secrétaire d’État Tony Dreyfus, qui le
connaissait bien, durent donc se faire très persuasifs, et lui demandèrent
fortement de me rejoindre pour traiter seulement deux dossiers qui lui tenaient à cœur comme à moi, celui des mères françaises d’enfants nés de pères algériens qui vivaient de manière dramatique la différence radicale de
législation et de pratiques entre la France et l’Algérie dans le cas de couples
séparés, et celui des écoutes téléphoniques. Louis Joinet me rejoignit donc,
il en prit pour trois ans et devint mon ami.
Nous découvrîmes alors que, malgré la pression de la Cour européenne des Droits de l’Homme, les différents services concernés ne manifestaient aucun enthousiasme, bien au contraire, à l’idée de mettre de la
transparence dans le système.
Une autre condition devait être remplie, c’était celle d’un accord explicite, détaillé et confiant avec le responsable de la sécurité à mon cabinet. Le
premier chargé de cette fonction, un excellent préfet plein d’expérience,
avait d’autres priorités, et au demeurant d’autres soucis que je n’avais nulle
raison de discuter. Il décida cependant au bout de quelques mois de nous
quitter, se sentant mieux fait pour diriger une grande maison, une préfecture naturellement, que de faire du travail de cabinet. J’ai regretté son départ. Il fut cependant l’occasion d’un nouveau recrutement. Le préfet Rémy
Pautrat, qui nous rejoignit alors, avait été peu de temps directeur de la surveillance du territoire, la très célèbre et très secrète DST. Il était parfaitement
au fait du sujet et épaula superbement Louis Joinet. Ce dernier put alors entreprendre une action de long terme visant à apprivoiser les services et à les
persuader progressivement de la nécessité d’une loi rigoureuse.
Pendant tout ce temps, l’activité continuait comme devant. Chaque
matin vers 8 h 30, le colonel Charroy qui commandait le Groupement inter-

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