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En définitive, si les capacités de notre appareil de renseignement en matière
de REF doivent faire l’objet d’une attention plus soutenue et de quelques réformes,
les services spécialisés ont investi ce secteur de manière très inégale. La DPR
incline à penser que l’édification de Tracfin en un vrai pôle de renseignement
économique et financier de la communauté constituerait une piste prometteuse.
Toutefois, la création d’un outil efficace ne pourra advenir qu’avec une
structuration efficace des ministères financiers qui, en ce domaine, font preuve
d’une inorganisation préjudiciable.
C. BERCY ET LE REF : UNE ORGANISATION À CONSTRUIRE

Peu de temps après son arrivée au ministère de l’Économie et des Finances,
M. Pierre Moscovici, conscient de l’enjeu que représente le REF, a sollicité
l’Inspection générale des finances pour établir un état des lieux exhaustif. Une
mission dirigée par Mme Marie-Anne Barbat-Layani a rendu ses conclusions en
février 2013 sous la forme d’un rapport - classé secret défense - intitulé Le
renseignement économique et financier au ministère de l’économie et des finances.
1. Les profondes défaillances de la gestion du REF à Bercy

Le document met en exergue l’insuffisante attention accordée par les
administrations du ministère à l’égard des enjeux de renseignement et un
fonctionnement compartimenté fort préjudiciable. Or, en dépit des premières
initiatives prises par le ministre, les auditions menées par la Délégation ont établi la
permanence des principales failles constatées par Mme Marie-Anne BarbatLayani :
• Il n’existe toujours aucun embryon d’une culture du renseignement. Les
administrations ignorent avec constance l’activité des services et, partant, ne les
sollicitent jamais ou alors de manière sporadique et non coordonnée (de fait, les
relations établies l’ont été à l’initiative des services eux-mêmes). D’une manière
générale, à l’instar de ce que l’on constate dans d’autres administrations, cette
ignorance se double d’une réelle réticence (une répugnance ?) à traiter des
questions de renseignement, considéré comme un « objet sale » pour détourner
l’expression que le sociologue Dominique Monjardet employait à l’égard de la
police. À l’évidence, certains hauts fonctionnaires redoutent de ternir leur
réputation en œuvrant avec les services.
Ainsi, contrairement à d’autres démocraties, notre pays n’appréhende-t-il
pas le REF comme un outil à part entière de définition et de mise en œuvre de la
politique économique. Aux États-Unis par exemple, dès 1995 dans un rapport
intitulé A National Security Strategy of Engagement and Enlargement, la Maison
Blanche exposait en détail ce qu’elle attendait des services de renseignement
américains en ce qui concerne la protection des intérêts économiques américains.
Afin de bien prévenir les dangers qui pèsent sur la démocratie et sur le « bien-être

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