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Cette absence complète d’encadrement légal des échanges de
renseignements pourrait par ailleurs soulever des difficultés de conformité
avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Dans
un arrêt Big Brother Watch c/ Royaume Uni du 13 septembre 2018, la CEDH
s’est en effet prononcée, pour la première fois, sur le principe de ces
échanges.
Bien qu’il ne soit pas encore définitif, ayant été renvoyé en grande
chambre, cet arrêt, qui ne portait que sur le traitement des renseignements
entrants, pose un certain nombre de règles. Observant que « si les États
contractants jouissaient d’une latitude illimitée pour demander à des États non
contractants d’intercepter des communications ou de leur remettre des
communications interceptées, ils pourraient aisément contourner les obligations que
leur impose la Convention », la Cour indique que « le droit interne doit donc, afin
d’éviter les abus de pouvoir, énoncer aussi les circonstances dans lesquelles il est
possible de demander à des services de renseignement étrangers des éléments
interceptés ».
La CEDH n’exige pas, dans cette hypothèse, que des conditions
identiques au droit interne soient prévues, mais impose que le droit interne
prévoit des garanties à quatre niveaux : « les circonstances dans lesquelles il est
possible de demander des éléments interceptés ; la procédure à suivre pour l’examen,
l’utilisation et la conservation des éléments obtenus ; les précautions à prendre pour
la communication de ces éléments à d’autres parties ; et les circonstances dans
lesquelles ces éléments doivent être effacés ».
b) Un engagement du Gouvernement à mieux formaliser les protocoles
d’échanges qui va dans le bon sens
Les services de renseignement s’opposent, majoritairement, à toute
forme d’encadrement légal de leurs échanges avec des partenaires
étrangers. De leur point de vue, cette coopération relève de la souveraineté
de l’État et de son action diplomatique et doit, à ce titre, être couverte par un
secret absolu. Ils revendiquent, au demeurant, un risque d’atteinte à la règle
du tiers service, en vertu de laquelle un service de renseignement est tenu à
la confidentialité absolue sur tout renseignement qui lui serait transmis par
un partenaire étranger.
Pour répondre aux préoccupations formulées tant par la CNCTR
que par la CEDH, le Gouvernement envisage néanmoins de donner un
cadre réglementaire plus formalisé à ces échanges, pour améliorer les
conditions dans lesquelles les liaisons avec des partenaires étrangers sont
établies.
Pour l’heure, l’échange de renseignements avec les partenaires
étrangers relève en effet, dans la majorité des cas, d’accords bilatéraux
négociés directement par les chefs de services, dans certains cas formalisés
par la signature de protocoles. Selon les informations communiquées à la
délégation, des réflexions sont en cours pour évaluer l’opportunité de