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jurisprudence constante, que « l'existence de dispositions législatives accordant
des pouvoirs de surveillance secrète de la correspondance, des envois postaux et des
télécommunications est, devant une situation exceptionnelle, nécessaire dans une
société démocratique à la sécurité nationale et/ou à la défense de l'ordre et à la
prévention des infractions pénales », elle exige, au regard de l’atteinte portée
aux libertés individuelles, la définition, par la loi, de garanties suffisantes
et adéquates contre les abus 1.
Comme le relevait Philippe Bas, président de la commission des lois
lors de l’examen du projet de loi relatif au renseignement, l’exercice des
missions des services de renseignement « ne [faisait] pas l’objet d’un cadre
spécifique, aboutissant à un paradoxe : certaines techniques de renseignement mises
en œuvre [étaient] aux limites de la légalité voire en contradiction avec la loi pénale,
sans que les citoyens disposent de garanties réelles pour la préservation de leur vie
privée puisqu’aucune condamnation pénale n’est prononcée, faute de poursuites ou
de preuves ».
Au-delà d’être source de contentieux, l’incomplétude du cadre légal
était également peu satisfaisante sur le plan opérationnel, dès lors qu’elle
empêchait toute exploitation des renseignements collectés par le biais de la
mise en œuvre d’une technique « non légale » dans le cadre d’éventuelles
procédures judiciaires. Or l’on sait, en matière de terrorisme notamment,
l’importance de tels renseignements pour engager une action pénale efficace
voire prévenir, dans certains cas, la commission d’infraction.
b) Un besoin de légitimité et de sécurité pour les services de renseignement
Le second argument principal invoqué à l’appui de la définition
d’un encadrement légal du renseignement résidait dans le besoin d’assurer
une protection renforcée des agents des services de renseignement.
Faute de cadre juridique complet et homogène, ceux-ci étaient en
effet susceptibles de voir leur responsabilité pénale engagée au titre
d’infractions d’atteinte à la vie privée dès lors qu’ils recouraient, dans le
cadre de leurs missions, à des méthodes attentatoires aux libertés
individuelles et non encadrées par le législateur.
Comme le rappelait Jean-Jacques Urvoas, alors président de la
délégation parlementaire au renseignement, le régime général de protection
pénale prévu par l’article 122-4 du code pénal 2, permettant de couvrir les
agents publics commettant des actes illégaux commandés par l’autorité
légitime, « n’offr[ait] qu’une protection très parcellaire qui ne résisterait guère à un
contentieux ».
CEDH, arrêt Klass et autres c/ Allemagne,
L’article 122-4 du code pénal prévoit que « n’est pas pénalement responsable la personne qui
accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ».
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