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C. NOS FRAGILITÉS

Et si nos forces devenaient des faiblesses ? Aussi paradoxal que cela
puisse paraître, ce qui a fait l’avance de la France et de l’Europe dans la
maîtrise de l’espace se transforme en fragilité dans le contexte du
« New Space ». Il nous faut relever plusieurs défis qui concernent autant la
compétitivité de nos lanceurs dans un secteur de plus en plus concurrentiel,
que notre capacité à garantir notre indépendance stratégique et à investir
l’économie de la donnée.
1. Une perte de compétitivité : l’exemple des lanceurs (rentabilité
v/ souveraineté)
Comme le souligne la stratégie spatiale de défense, « la conservation
de notre autonomie d’accès à l’espace repose bien aujourd’hui sur la pérennité du
lanceur européen Ariane dont l’avenir doit passer par une politique de réduction des
coûts assumée ». Notre autonomie d’accès à l’espace repose sur Ariane 5
depuis les années 1990 et sur un modèle mixte, entre lancements
commerciaux et institutionnels, pour soutenir un cadencement suffisant. Un
lancement d’Ariane 5 coûte environ 200 millions d’euros si l’on prend en
compte toutes les subventions d’exploitation, ce qui n’est absolument plus
compétitif dans le contexte du « New Space ». Le coût d’un lancement avec
Ariane est en effet d’environ 30 % supérieur à celui proposé par SpaceX.
Dans ces conditions, les craintes portent sur le programme Ariane 6,
confronté à plusieurs difficultés :
- les conditions actuelles du marché n’ont rien à voir avec celles qui
existaient en 2014 lors du lancement du programme, du fait du processus de
miniaturisation des charges utiles qui permet des lancements à moindre coût
puisqu’à moindre poids ;
- Ariane 6 est calibrée pour lancer des satellites en géostationnaire ;
or la demande est de moins en moins forte, et ce au profit des constellations
en orbite basse ;
- SpaceX est en train d’imposer un nouveau standard mondial avec
un seul type de moteur contre trois pour Ariane – ce qui augmente son coût
–, un second étage très puissant et un premier étage réutilisable.
Dès lors, quelle que soit la viabilité commerciale d’Ariane 6, le
développement d’un lanceur supplémentaire de type « SpaceX » paraît
s’imposer pour rester dans la course.
Remplacer purement et simplement Ariane 6 par Ariane Next
(replique du Falcon 9 de Space-X) avec une motorisation Prometheus, qui est
encore au stade du prototype, induirait un risque considérable en matière
d’autonomie stratégique pour la France compte tenu des délais
de développement – une dizaine d’années – et de coût, autour de 5 milliards

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