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II. LA SOUVERAINETE SPATIALE FRANCAISE A LA CROISEE DES
CHEMINS
Les développements qui suivent ne concernent pas directement le sujet du
renseignement mais permettent d’appréhender les conséquences pour le monde du
renseignement des révolutions en cours au sein d’un secteur industriel stratégique pour
l’exercice de notre souveraineté.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et jusqu’à une période
récente, la maîtrise de l’espace fut le pré carré de quelques grands pays et un
attribut évident de puissance, et donc de souveraineté, dans le concert des
nations. Ce privilège de souveraineté se trouve aujourd’hui mis à mal par
l’émergence du « New Space » qui rebat totalement les cartes. Ce changement
de paradigme nous contraint à nous adapter plus rapidement que prévu et à
porter un regard lucide tant sur les forces que sur les fragilités de
l’écosystème spatial française et européen.
A. LES RÉVOLUTIONS DU « NEW SPACE »
Le « New Space » est né aux États-Unis il y a une dizaine d’années. Il
résulte d’une part, de la numérisation de l’économie et d’autre part, de
l’émergence de nouveaux acteurs, aussi bien d’entreprises privées que
d’États qui ne s’estimaient jusqu’alors pas concernés par les affaires
spatiales.
Le « New Space » se conçoit en opposition avec ce qu’il convient de
facto d’appeler le « Old Space », à savoir l’industrie spatiale telle qu’elle
existait jusqu’à présent autour d’acteurs limités à quelques grandes
puissances – d’abord, historiquement les États-Unis et l’URSS – poursuivant
des objectifs essentiellement politiques et stratégiques. A cet égard, le
« New Space » s’apparente à une redéfinition des possibles, qu’il s’agisse des
acteurs ou des usages.
Contrairement à ce qu’il suggère, le terme de « New Space » ne
désigne pas un renouveau mais une ouverture de l’espace à de nouveaux
acteurs et un redéploiement des technologies spatiales vers des champs
d’application jusqu’alors inexplorés. Il est une résultante de la digitalisation
de l’économie comme de nos sociétés. L’essor du « New Space » est souvent
comparé à celui d’internet dans les années 2000 parce qu’il a recours à des
méthodes, des technologies, des équipements et une ingénierie financière
(capital-risque) développée par la « nouvelle économie » : miniaturisation,
électronique, impression 3D, intelligence artificielle, etc.
Ainsi, le « New Space » est l’extension au secteur spatial de logiques
économiques et industrielles qui ne lui étaient jusqu’à présent étrangères. Il