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Par ailleurs, si les contenus véhiculent un discours djihadiste
international, ils sont adaptés à la culture et aux codes des pays occidentaux
dans lesquels ils sont diffusés. Ils prennent ainsi souvent la forme de vidéos
frappantes, qui peuvent être classées en trois types.
Il existe tout d’abord des vidéos de prédication, montrant
généralement le sermon d’un imam en plan fixe, face à la caméra. D’autres
visent à l’exaltation de leur spectateur, qu’elles montrent des djihadistes en
zone de guerre, la vie quotidienne présentée comme idyllique des
combattants présents sur place, ou encore le testament d’un djihadiste se
préparant à mourir en martyr. Les images d’exécution, enfin, ont une valeur
à la fois sacrificielle et pédagogique, visant à avertir l’ennemi du châtiment
qui va s’abattre sur lui. La plupart de ces vidéos sont accompagnées d’un
fond musical, alors que le salafisme bannit habituellement la musique. Afin
de s’inscrire dans l’univers familier de leurs cibles, elles ont par ailleurs
recours à des références largement partagées, comme par exemple certains
jeux vidéos.
Daech recourt d’ailleurs à des moyens importants pour développer
les divers contenus diffusés. L’audition des djihadistes de retour a permis de
mettre en évidence que Daech a largement professionnalisé sa
communication et son recrutement, certains des occidentaux présents sur
place se dédiant entièrement à l’administration de sites. Ces sites comme les
vidéos djihadistes sont en outre réalisés avec les moyens infographiques et
techniques les plus sophistiqués. L’analyse des vidéos montre que les prises
de vue sont effectuées avec plusieurs caméras ; le montage est par ailleurs
très abouti, et il est fait recours à des procédés de retouche.
(3) Un catalyseur plutôt qu’un déclencheur de la radicalisation
Au total, ce mode de propagande a une réelle efficacité, puisqu’il fait
basculer très rapidement les cibles dans l’extrémisme radical. Les très
nombreuses vidéos diffusées contribuent à la fois à banaliser la violence et à
déshumaniser les « mécréants » ennemis de Daech, ce qui a pour objectif de
faciliter les passages à l’acte. La prise en charge des individus en voie de
radicalisation par la communauté virtuelle des internautes djihadistes
participe en outre de la rupture progressive avec l’entourage.
Pour autant, selon plusieurs interlocuteurs de votre commission
d’enquête, le rôle d’Internet dans les processus de radicalisation doit aussi
être relativisé, même s’il est très important. Le processus de radicalisation
trouve en effet fréquemment sa source dans un événement ou, le plus
souvent, une rencontre, à partir duquel l’individu concerné peut trouver sur
Internet toutes les ressources nécessaires pour poursuivre l’autoendoctrinement ou l’auto-radicalisation – à condition de le vouloir et de le
chercher. Au total, les ressources de l’Internet et des réseaux sociaux jouent
ainsi un rôle de catalyseur ou de passerelle dans la radicalisation djihadiste.