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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
horizontale en peer to peer, entre djihadistes de Daech confirmés et
individus en voie de radicalisation. Daech continue cependant de s’appuyer
sur des vecteurs plus traditionnels, comme la revue Dabiq, éditée en
plusieurs langues et qui perfectionne le modèle de la revue Inspire d’AlQaïda ; sa diffusion est toutefois démultipliée dès lors qu’elle passe aussi par
les réseaux sociaux.
Selon les auditions effectuées par votre commission d’enquête, cette
évolution du prosélytisme en ligne correspond à un mouvement de fond. Sa
montée en puissance a été longue et progressive au cours des dernières
années, avant une accélération ponctuelle constatée au début de l’année
2015, en même temps que les contenus concernés deviennent de plus en plus
virulents. En 2014, 1,2 % seulement des 137 000 signalements effectués sur la
plate-forme Pharos correspondaient à des contenus de type djihadiste ; et en
moyenne, une cinquantaine de sites incitant au terrorisme ont été
annuellement recensés sur le web1 au cours des dernières années. Au cours
des premières semaines de l’année 2015, à la suite des attentats du 7 janvier,
plus de 6 000 signalements ont en revanche été effectués chaque jour à partir
des réseaux sociaux, avant un retour à des proportions plus habituelles,
quoiqu’en hausse.
Ces modes d’échange soulèvent deux difficultés particulières en
matière de lutte contre les réseaux djihadistes. En premier lieu, la
propagande de Daech diffère principalement de celle d’Al-Qaïda, qui a
développé ses propres canaux de communication, en ce qu’elle est élaborée
et développée à des niveaux décentralisés. Le discours est ainsi disponible à
toute personne intéressée, qui peut trouver un interlocuteur de manière très
simple. Ce mode opératoire dilué rend très difficiles le développement de
contre-discours, ainsi que le blocage et le filtrage ; si un compte est
supprimé, il renaît aussitôt ailleurs sous un autre nom, par une propagation
de type viral. En second lieu, l’approche par les réseaux sociaux se traduit
par l’émergence de communautés virtuelles qui favorisent la prise en
charge de l’individu pré-radicalisé et accélèrent d’autant l’endoctrinement.
(2) Des contenus accessibles et ciblés
Ces évolutions se traduisent par une très forte accessibilité du
message djihadiste, renforcée par l’adaptation des contenus diffusés.
Si le processus de radicalisation nécessitait auparavant de déployer
des efforts importants pour comprendre des documents austères, souvent
écrits en langue étrangère, et pour être admis sur des lieux de discussions
rassemblant des communautés fermées d’initiés, tout est désormais
disponible en format ouvert et en plusieurs langues.
Ces statistiques portent sur le seul web et non le deep web, c’est-à-dire la partie du web accessible
en ligne mais non indexée par les moteurs de recherche généralistes.
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