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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE

lorsqu’elle est effectuée en prison. L’individu radicalisateur, pour éviter
d’attirer l’attention des services de renseignement, procède en effet en jouant
sur la fragilité psychologique de sa cible, au sein d’un groupe réduit
comprenant deux à trois personnes.
Les phénomènes d’auto-radicalisation sont en revanche rares, dans
la mesure où ils nécessitent le plus souvent de passer un temps conséquent
sur Internet – or, s’il arrive que des détenus se procurent illégalement une clé
3G, celle-ci ne leur permet pas d’y avoir accès que durant des laps de temps
relativement courts.
Les individus touchés sont principalement des détenus de droit
commun. Afin d’asseoir leur légitimité de croyants nouvellement convertis
ou réislamisés, il n’est pas rare qu’ils manifestent leurs revendications
religieuses de manière outrancière, notamment à l’encontre de
l’administration carcérale. Selon les informations fournies à votre
commission d’enquête, la radicalisation pourrait également, dans de rares
cas, toucher certains personnels pénitentiaires, tandis que les aumôniers
musulmans
pourraient
être
approchés
par
des
organisations
fondamentalistes désireuses d’effectuer du prosélytisme en prison.
 La prison a joué un rôle déterminant dans le parcours de
plusieurs des djihadistes français. Il est dès lors nécessaire d’envisager le
milieu carcéral comme un enjeu à part entière de la lutte contre les réseaux
djihadistes. Pour autant, le rôle de la prison dans le phénomène djihadiste tel
qu’il est observé depuis l’émergence de la crise syrienne ne doit pas être
surestimé, et le milieu carcéral ne peut mobiliser une part trop importante
des ressources par nature rares des services de renseignement.
Il faut tout d’abord souligner que, en raison de la très forte
hétérogénéité des pratiques constatées, le phénomène de la radicalisation en
prison apparaît difficile à mesurer. Les manifestations de foi religieuse les
plus tonitruantes ne sont pas nécessairement un marqueur de radicalisation :
on retrouve ici l’opposition entre fondamentalisme salafiste, très présent en
milieu carcéral, et radicalisme proprement dit. Les détenus radicaux
recourent de plus en plus à des stratégies de dissimulation, en ne modifiant
pas nécessairement leur apparence physique et en n’assistant pas aux prières
collectives ; ces comportements rendent particulièrement difficile la
détection de la radicalisation par le personnel pénitentiaire. Il arrive en outre
qu’une conversion ne soit que de façade et résulte d’un simple mimétisme
ou, le plus souvent, de la volonté de se protéger d’éventuelles violences en
ralliant un groupe constitué – ce serait notamment le cas des détenus pour
affaires de mœurs.
L’étude du parcours des djihadistes français ferait en outre
apparaître qu’une part non négligeable des Français partis en Syrie ne
seraient jamais passés par la prison, ni n’auraient attirés sur eux l’attention
des services de police, de la justice ou de la protection judiciaire de la
jeunesse. La moitié d’entre eux n’auraient jamais été incarcérés, selon les

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