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La parenté du djihadisme avec les mouvements sectaires découle
également de la nature apocalyptique, messianique et millénariste du
discours développé1. Les fidèles de Daech sont ainsi persuadés d’accomplir
une annonce prophétique, la Syrie apparaissant comme la terre sur laquelle
se déroule l’ultime bataille contre les armées impies avant l’Apocalypse et le
retour du Mahdi, lui-même annonciateur du retour de Jésus. Le radicalisme
djihadiste présente des caractéristiques communes avec la famille des sectes
dites de l’Apocalypse (adventistes, témoins de Jéovah, Bloc de la Foi, etc.),
qui se caractérisent principalement par l’annonce d’une fin des temps
supposée proche à partir d’une argumentation syncrétique, mêlant textes
religieux, événements de l’actualité internationale ou encore découvertes –
ou pseudo-découvertes − scientifiques.
Le djihadisme se distingue cependant des mouvements sectaires
sur plusieurs points. Par rapport à l’archétype traditionnel de la conversion
par un gourou identifié, le radicalisme djihadiste présente tout d’abord
l’originalité d’un recrutement réticulaire enserrant progressivement le
candidat2, notamment sur les réseaux sociaux. Ce recrutement est effectué
dans des lieux et selon des formes de plus en plus variés. Enfin et surtout,
l’adhésion individuelle au mouvement djihadiste apparaît volontaire et ne
peut, le plus souvent, être réduite à la configuration de l’abus de faiblesse tel
que prévu par la loi du 10 janvier 1996 – principale disposition législative
permettant d’organiser la répression contre les sectes : les individus
radicalisés se présentent généralement comme des idéalistes révoltés par
l’injustice du monde. Au total, si l’on peut bien parler de similitudes avec
les dérives sectaires, il semble cependant injustifié d’assimiler le
mouvement djihadiste à une secte au sens strict.
c) Le rôle discuté de la prison
La prison constitue classiquement, à côté des lieux de culte, le
second vecteur principal de radicalisation. Apparu à la fin des années 1990,
le phénomène de la radicalisation islamiste s’y est plus nettement développé
avec l’incarcération d’individus condamnés pour des infractions terroristes,
au point que l’on peut considérer que la prison constitue l’institution la plus
exposée au « phénomène de radicalisation massive »3.
L’influence des détenus islamistes se traduit par un prosélytisme
radical, qui peut prendre la forme de pressions exercées sur les autres
détenus ou l’administration pénitentiaire, voire dans certains cas aboutir à
la constitution de groupes à vocation terroriste. Par rapport au modèle de
recrutement présenté plus haut, qui repose sur une conversion volontaire,
l’adhésion à l’idéologie djihadiste s’opère selon des modalités particulières
Voir notamment l’éclairage d’Esther Benbassa sur ce point, « Attentes millénaristes et terrorisme
islamiste » : http://www.huffingtonpost.fr/esther-benbassa/laicite-charlie-hebdo_b_6498840.html.
2 P. Conesa, rapport précité.
3 Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 156.
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