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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE

Dans son rapport précité de décembre 2014, Pierre Conesa considère
que le radicalisme musulman recouvre pour l’essentiel le salafisme
djihadiste, qui présente deux spécificités importantes par rapport aux autres
formes de radicalisation. En premier lieu, la revendication d’une « identité
politico-religieuse totalitaire » se traduirait par le rejet de toutes les autres
pratiques musulmanes et par l’incitation à une ghettoïsation de la
communauté française musulmane. En second lieu, sa forte sensibilité
géopolitique légitimerait l’usage d’une violence présentée comme destinée à
venger l’Oumma, ou communauté des musulmans, contre l’oppression
occidentale, dans une sorte de « nouvelle idéologie tiers-mondiste ».
Ce radicalisme particulier présente néanmoins des points communs
avec l’ensemble des mouvements radicaux, tels qu’une démarche
d’adhésion exclusive à une idéologie intransigeante − fondée en l’espèce sur
une lecture littérale des textes religieux et non susceptible d’interprétation
ou d’interrogation −, une vision holistique du monde et de l’histoire,
l’adoption de marqueurs d’appartenance à un groupe, qui débouchent sur
un enfermement dans une organisation dotée d’une identité forte et se
définissant par opposition à la société globale. Cette adhésion se déroule en
plusieurs phases, qui conduisent de l’endoctrinement par une communauté
réelle ou virtuelle à l’implication directe dans des actes violents.
 Cet aspect du radicalisme djihadiste a pu poser la question de sa
proximité avec les dérives sectaires.
Il apparaît en effet que le recrutement dans les réseaux djihadistes
recourt à des techniques de nature sectaire. Les témoignages des jeunes
radicalisés comme de leur entourage font état d’une coupure progressive
avec leur environnement, qui conduit à les priver graduellement de leurs
repères et de leurs habitudes. Cette rupture concerne d’abord le cercle
amical, présenté comme impur, puis les activités de loisir, qui se trouvent
diabolisées ; elle porte ensuite sur l’école, qui serait le lieu de l’expression
d’un complot, et aboutit enfin – ou concomitamment − au rejet de l’autorité
parentale.
Selon les indications transmises à votre commission d’enquête, les
familles entendues par le numéro vert de l’UCLAT feraient toutes état d’un
sentiment de désaffiliation : l’individu en voie de radicalisation, entièrement
pris en charge par la communauté d’adhésion, se trouve en quelque sorte
clivé entre son environnement habituel et la nouvelle vision du monde à
laquelle il adhère. Celle-ci se caractérise par une idéologie globale et
cohérente apportant des réponses à toutes les questions de la vie, et par la
prégnance de la théorie du complot. Cette nouvelle vision offre un refuge
idéologique dans le cadre d’une société qui n’aurait plus de modèle à
proposer.

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