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Jabhat al-Nosra, qui privilégient le djihad global pour permettre
l’établissement du califat dans un second temps, et Daech, qui prône le
combat djihadiste à partir d’une base territoriale. À partir des années 1990, la
lutte se concentre contre le monde occidental dans son ensemble, sous
l’influence notamment d’Ayman Al-Zawahiri : le combat contre l’ennemi
proche que constituent les régimes infidèles ne peut être dissocié de celui
contre l’ennemi lointain qui les protège. À partir de ce fondement plus
géopolitique que religieux, l’idéologie djihadiste a peu à peu repris à son
compte l’orthodoxie religieuse salafiste, notamment le concept de
« l’allégeance aux vrais musulmans et la rupture avec les infidèles » (al wala’
wa-l-bara’) et l’anti-chiisme – ennemi proche par excellence −, de sorte que
l’on peut parler d’un djihadisme salafiste.
 Ainsi, le fondamentalisme proche du salafisme ne se confond pas
avec le radicalisme djihadiste.
Le premier est souvent très visible, dans la mesure où la doctrine
salafiste se caractérise par son rejet de la modernité. Surtout, le
fondamentalisme islamiste peut être très démonstratif, que ce soit dans
l’apparence physique où les habitudes de vie. En prison, où il constituerait,
selon les informations recueillies par votre commission d’enquête, la version
dominante de l’islam, il peut ainsi susciter des prières collectives subites. Il
intéresse également l’ordre public dans la mesure où les institutions
républicaines laïques peuvent se trouver fragilisées par les revendications
collectives qu’il porte, qui vont des menus halal dans les cantines scolaires à
la mise en place d’horaires non mixtes dans les piscines municipales. D’un
point de vue sécuritaire, ce mouvement de référence aux fondements du
dogme ne se traduit cependant pas par des passages à l’acte violents. Il
apparaîtrait même que l’adhésion à ce type de croyances fermées et
intolérantes constituerait au contraire une barrière à la radicalisation 1. On
dénombrerait en France 12 000 à 15 000 salafistes, pour la plupart quiétistes.
Les individus radicalisés, quoiqu’ils se réclament de l’orthodoxie
religieuse, se distinguent ainsi des fondamentalistes sur le point crucial du
recours à la violence. Au sens strict, le radicalisme suppose la conjonction de
deux facteurs : une idéologie extrémiste, d’une part, et la « volonté implacable
de sa mise en œuvre »2, d’autre part. Ainsi que l’indique Farhad Khosrokhavar,
la radicalisation constitue dès lors un phénomène très minoritaire dans le
monde occidental comme dans le monde musulman. Même au Pakistan, le
djihadisme entendu au sens strict ne concernerait qu’une faible minorité de
personnes3.

Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 151.
Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 21.
3 Farhad Khosrokhavar, ouvrage précité, page 11.
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