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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
(4) Les profils au retour : entre repentis et terroristes confirmés, une
dangerosité parfois dissimulée
Selon les auditions effectuées par votre commission d’enquête, les
200 personnes qui seraient revenues de la zone syro-irakienne au 9 mars 2015
présentent des profils très différents. Certains, notamment lorsqu’ils ne se
sont pas vu confier de réelles responsabilités, sont déçus. D’autres dénoncent
les exactions auxquelles ils ont assisté ou participé, beaucoup de ces repentis
développant une forme de syndrome post-traumatique. Les causes premières
du retour résident souvent dans la solitude, notamment lorsqu’un proche est
tué sur place, ou dans la fatigue et les blessures.
Il apparaît cependant que la plupart d’entre eux ne renient pas leur
engagement et restent extrêmement déterminés ; endoctrinés, aguerris et
entraînés au maniement des armes, ils présentent une menace directe sur le
territoire français. Cette menace est cependant difficile à évaluer, dans la
mesure où la plupart d’entre eux adoptent une stratégie de discrétion et de
dissimulation – la taqîya : la repentance affichée, à travers un discours
souvent stéréotypé, est très souvent purement formelle.
b) Un phénomène religieux ?
(1) Une rupture avec la religion institutionnelle
Traditionnellement, le modèle dominant de la radicalisation
islamiste se développait avant tout dans les mosquées et les salles de prière
radicales, parfois à l’insu des autorités cultuelles : Farid Benyettou prêchait
ainsi devant ses disciples de manière plus ou moins dissimulée. Ce modèle
tendrait cependant à s’estomper en partie : il apparaît ainsi qu’une part
importante des individus radicalisés et désireux de partir pour le djihad ne
fréquentent pas, ou très peu, les mosquées.
Leur idéologie est en outre fondée sur le rejet de l’islam tel qu’il est
pratiqué par le plus grand nombre, et notamment l’islam de France, les
imams médiatisés étant discrédités par le soupçon de collusion avec les
autorités occidentales qui pèse sur eux. Par ailleurs, si des représentants du
courant salafiste sont implantés sur le territoire, ils relèvent majoritairement
de la mouvance quiétiste, fondée sur la prédication et non sur l’incitation au
djihadisme. Le départ en Syrie vise précisément, dans un grand nombre de
cas, à rallier une pratique de l’islam considérée comme authentique. Une
personne auditionnée par votre commission d’enquête a ainsi rapporté une
rencontre avec un djihadiste qui fréquentait les mosquées mais qui était
convaincu que la prière collective avec les musulmans de ce cercle n’était pas
valide. Face à de telles situations, les autorités religieuses traditionnelles de
l’islam se trouvent aussi démunies que les autorités françaises.
Même certaines mosquées peuvent toujours offrir une porte d’entrée
dans le radicalisme et le djihadisme, la radicalisation s’effectue dès lors,
dans un grand nombre de cas, en marge des lieux de culte officiels. Elle a