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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
M. Jérémie Zimmermann. – La saisine du Conseil constitutionnel
aurait pu constituer un gage de votre certitude quant au fait que ce texte
respectait les libertés fondamentales.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. – Le Parlement a pour mission
d’élaborer et de voter la loi.
M. Jérémie Zimmermann. – Le Parlement peut saisir le Conseil
constitutionnel sans que cela remette en cause ses missions, mais je referme
cette parenthèse que j’ai moi-même ouverte peut-être à tort.
En premier lieu, nous souhaitons que le juge judiciaire intervienne.
En second lieu, nous sommes favorables à une surveillance ciblée et à une
transparence sur les moyens utilisés. On nous donne des effectifs variables pour
surveiller une personne, huit, seize ou vingt-quatre policiers par exemple, pour
surveiller quelqu’un à plein temps. J’aimerais le croire, mais je sais que grâce à
l’ « IMSI Catcher » on peut surveiller automatiquement les individus. Il faut
donc tout mettre sur la table ces moyens pour pouvoir décider. Cela ne me
semble ni excessif ni délirant.
Il existe aussi des responsabilités institutionnelles, je pense
notamment à l’éducation nationale, pour former l’esprit critique. L’exemple de
la jeune fille de 14 ans me fait dire qu’il faut s’assurer, par le dialogue, qu’elle a
bien pesé les différents aspects de la question. Je pense qu’il faut aussi poser la
question de la déradicalisation, entreprise dans certains pays nordiques. Il y a
aussi une responsabilité collective que nous devons avoir contre les idées de
haine. Car il ne s’agit pas de s’attaquer aux effets mais aux symptômes. Il ne
faut pas faire disparaitre les messages car ils resteront dans les esprits de ceux
qui les émettent. Ce qu’on veut c’est combattre ces idées et c’est par la
potentialité de participation dans la sphère publique que ce doit être fait : il
existe des outils individuels pour détecter et combattre collectivement ces idées,
sur le terrain. Ces actions concrètes, qui viendraient en complément des actions
dans les banlieues, les prisons, en faveur de l’école publique républicaine et
laïque, sont tout à fait compatibles avec la démocratie, protégeant et ne
restreignant pas les libertés publiques, et contribueraient à bâtir une société plus
cohérente et moins divisée, plus résiliente et plus démocratique que moins
démocratique.
M. Marc Robert. – Je voulais simplement rappeler que la Cour
européenne des droits de l’homme, par le biais des articles 8 et 10 de la
Convention européenne des droits de l’homme, a prévu, dans les termes les
plus fermes, que si l’État a l’obligation de respecter ces droits, il a le devoir de
protéger l’utilisateur contre les atteintes et contre les contenus illicites relevant
d’Internet. Huit États ont été condamnés pour ne pas l’avoir fait. Au travers
d’une quarantaine d’arrêts, la Cour a nettement dit que les discours
incompatibles avec les valeurs proclamées et garanties par la Convention ne
relevaient pas de la liberté d’expression et ne pouvaient prétendre bénéficier
des garanties que la Convention comprend. Je vous renvoie sur ce point aux