- 358 -
FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
M. Jérémy Zimmermann. – Elle est efficace car elle touchera ceux qui
n’ont pas la connaissance des outils de contournement et va renforcer les
inégalités dans l’accès à Internet. Cette censure va entraîner systématiquement
du surblocage, comme le notait l’étude d’impact de la LOPPSI. À l’époque, les
socialistes étaient vent debout. Ensuite, ce que je trouve excessif, ce sont ces
discours sur Internet comme une zone de non-droit. Or on défend les libertés.
On essaye de nous faire passer comme un Far West à civiliser. Internet est un
endroit où le droit s’applique. La localisation géographique de la chaise d’où
vous consultez Internet détermine quelle législation s’applique. Il ne faut pas
inventer des fantasmes de Far West. Ce que je trouve excessif, c’est cette
tendance à l’autorégulation, ou l’autodiscipline : selon M. Robert, les acteurs
d’Internet devraient surveiller leurs contenus pour éviter l’émergence de sites
miroirs. Confier à des acteurs privés des missions d’inventaire, donc de
surveillance, de dénonciation, potentiellement automatisées et par conséquent
des missions d’effacement de contenus, donc l’exercice d’une censure, me
semble rigoureusement incompatible avec l’État de droit et les principes les
plus élémentaires de nos démocraties. Nous dénonçons régulièrement ces
pratiques, auxquelles Youtube, Facebook, dans une moindre mesure Twitter, se
livrent sans états d’âme lorsqu’il s’agit de faire plaisir à Hollywood, créant ainsi
de graves entraves à la liberté d’expression alors qu’une génération entière
s’exprime par le remix et la réutilisation d’images animées. D’ailleurs, sans faire
un lien entre les deux puisqu’il y a trop de distance entre ces deux phénomènes,
je note qu’une partie de cette génération se sent peut-être oppressée ou dénigrée
par les pouvoirs publics. Cette notion d’auto-censure, d’auto-régulation, qui est
dans l’air du temps, dont le Président de la République se faisait le défenseur
lors de son intervention d’hier, ou encore le Premier ministre dans ses annonces
du 21 janvier, me semble infiniment plus excessive que tous les propos, y
compris les plus cyniques, que j’ai pu tenir aujourd’hui devant vous.
M. Michel Vergoz. – Vous êtes contre l’organisation des libertés !
M. Jérémie Zimmermann. – Absolument pas et j’y reviendrai dans la
troisième partie de mon propos.
S’agissant de cette auto-régulation, la deuxième partie de mon
propos concerne votre question, Madame la Présidente, sur les algorithmes
utilisés par les réseaux sociaux et le fait de confier à des acteurs privés le soin de
laisser à leurs ordinateurs de décider, d’imposer des comportements, ce que
vous appelez l’encadrement des libertés, d’imposer des régulations, d’imposer
de la surveillance ou des actes de censure. Ces algorithmes ne sont pas fiables,
ils sont opaques, et ils répondent systématiquement à des impératifs
économiques. Lorsqu’une entreprise doit choisir entre une action plus juste et
une action plus rentable, on sait que sa nature la pousse à opter pour une action
plus rentable.
Dans le cas de l’article de Rue89 auquel vous faites référence
Madame la Présidente, il s’agit d’un journaliste qui cherchait à se faire passer
pour un djihadiste et qui a utilisé les codes, utilisation de drapeaux ou de codes