- 355 -
fondamentale : pour vous, toute mesure encadrant Internet, limitative ou
répressive, est une atteinte à la liberté.
En outre, j’ai été extrêmement choqué de la manière dont vous
utilisez le mot « censure ». Sur la loi de programmation militaire, nous nous
sommes efforcés de démontrer que l’article 13 devenu l’article 20 sur les
données de connexion est protecteur des libertés et donne des garanties qui ne
figuraient pas dans la loi précédente. Sur la loi antiterrorisme, c’est la même
chose. Vous considérez que l’espace Internet est le souverain bien. Certaines
personnes de bonne foi pensent aussi qu’Internet est un espace différent de la
vie ordinaire. Par exemple, si certains propos sont tenus dans la presse, ils
peuvent faire l’objet d’une condamnation. Les mêmes propos sur Internet ne
feront l’objet d’aucune poursuite. Or, je ne vois pas pourquoi les règles seraient
différentes.
Lorsque j’étais un jeune député et que je faisais des recherches pour
préparer la discussion d’un projet de loi, cela me prenait un certain nombre
d’heures. Aujourd’hui, je peux accéder aux mêmes informations en quelques
clics. Je mesure à quel point il s’agit d’une amélioration. Mais dans le
phénomène de radicalisation, il y a un certain nombre de facteurs et on est
obligé de considérer qu’Internet joue un rôle majeur dans ce processus.
Monsieur Robert, il faut des règles européennes, voire mondiales.
Certains disent que c’est impossible, mais je ne désespère pas qu’on arrive à un
Internet espace de droit mondial.
M. Jean-Yves Leconte. – Monsieur Zimmermann, vous parlez de
censure, alors que vous savez que le blocage administratif est contournable. Et
ceux qui contournent ne sont pas sanctionnés, à la différence de ce qui se passe
en Chine, par exemple. La comparaison avec des régimes autoritaires n’est pas
valable.
Quand vous parlez des principes républicains et de la démocratie, je
crois qu’il faut aller beaucoup plus loin. Internet remet en cause la souveraineté
des États et d’une certaine manière leur faculté à faire appliquer une loi dans un
espace donné. Or, il n’y a pas de démocratie sans souveraineté. Donc, il faut
nous expliquer comment faire en sorte qu’il y ait une régulation dans cet espace
qui remet en cause la souveraineté des États, qui sont les régulateurs en
démocratie.
Par ailleurs, je voudrais vous demander de réagir à la dernière
intervention. Ce qui me parait intéressant, c’est l’application de la règle du droit
du pays du consommateur d’Internet. Comment la réaliser sur le plan
technique ?
M. Michel Vergoz. – J’ai beaucoup appris lors de ce débat. Je n’ai pas
de langue de bois : je suis très attaché à la liberté et j’ai peur d’être liberticide.
J’ai besoin de vous, la République a besoin de vos compétences, Monsieur
Zimmermann, mais je vous trouve excessif ! Toutes les libertés s’organisent. Les
droits s’accompagnent de devoirs.