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En tant qu’intermédiaires, il nous est difficile de déterminer si un
contenu est manifestement illicite ou non. Il nous faut des moyens suffisants,
notamment linguistiques, pour s’assurer qu’on comprenne bien le message
diffusé. On espère que PHAROS et l’OCLITC aura les moyens suffisants pour
traiter ces signalements. Il y a aujourd’hui des capacités d’amélioration. Le
cadre juridique aujourd’hui nous semble flou.
Mme Nathalie Goulet, co-présidente. – Pour nous, ce qui est
manifestement illicite est très clair. J’espère que le débat éclairera ce problème
qui pour nous, n’en n’est pas un. Nous avons eu aussi des hésitations au
moment du vote de la loi du 13 novembre 2014.
Yann Bonnet, rapporteur général du Conseil national du
numérique. – Le Conseil national du numérique est une commission
consultative indépendante qui formule des avis sur toute question ayant un
impact numérique. Nous sommes constitués paritaires de trente membres
bénévoles, dont des enseignants et des chercheurs. Nous avons été saisis par
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, en juin 2014, à propos de
l’article 9 (devenu article 12) du projet de loi renforçant les dispositions relatives
à la lutte contre le terrorisme. Nous avons conduit quinze auditions avec des
sociologues, des représentants associations de victimes, mais aussi des
magistrats et des représentants de la société civile.
Depuis les événements des 7, 8 et 9 janvier derniers, nous débattons
beaucoup sur le rôle d’internet dans les phénomènes de radicalisation. Internet
n’est qu’un maillon et son rôle ne doit pas être surestimé. Or, les processus de
radicalisation ont des facteurs multiples. Une seule vidéo ne peut pas
radicaliser une personne. Internet est un catalyseur, un accélérateur des
processus d’endoctrinement. Nous pensons que la propagande terroriste à des
fins de recrutement intervient dans un processus lent et progressif de
déstabilisation individuelle. Avant de passer à l’acte, il existe de nombreuses
phases. Cela peut commencer sur des forums avec des contenus mettant en
scène des victimes de conflits. Seuls les plus motivés sont orientés vers des sites
de recrutement, qui sont en nombre restreint. Il faut donc distinguer les sites de
recrutement, qui sont surveillés et qui peuvent être déréférencés et même
bloqués, des réseaux sociaux où le blocage est difficile, voire impossible.
Charly Berthet, rapporteur du Conseil national du numérique. –
Concernant le blocage administratif des sites faisant l’apologie du terrorisme
prévu à l’article 12 de la loi du 13 novembre 2014, le conseil a émis un avis
défavorable sur la mesure, à l’instar du Syndicat de la Magistrature, de la Ligue
des Droits de l’Homme ou de la Quadrature du Net. Nous pensons que ces
mesures sont techniquement inefficaces car facilement contournables par les
internautes et les recruteurs. Le contenu n’est pas supprimé à la source mais
simplement bloqué sur le territoire français. Les moyens de contournement sont
légions. Je vous cite John Gilmore « Internet réagit à la censure comme une
voiture qui change de voie face à un accident ». On ne peut pas tracer une ligne
Maginot numérique aux frontières de l’Hexagone. Le public visé par cette