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Le futur EIIL a d’abord assuré sa croissance en s’adossant à Al-Qaïda,
comme en aurait témoigné1 le soutien d’al-Baghdâdî à al-Zawahiri, successeur
de Ben-Laden en 2011. Ce ralliement a permis à ce qui n’était encore en 2010
qu’un groupuscule d’un millier d’hommes de profiter de l’influence de la
nébuleuse islamiste, mais aussi de ses réseaux et de ses bases de formation et
d’entrainement, pour se placer au commandement de la branche militaire d’AlQaïda en Irak.
La confusion de la situation syrienne a également permis à l’EIIL d’y
faire ses premières armes, de développer son armement et de s’implanter
solidement sur le territoire. Le groupe Jabhat al-Nostra, ou Front de la
victoire, y constitue l’un des principaux groupes islamistes rebelles, avec le
Parti de l’Union démocratique (qui rassemble des Kurdes sunnistes) et le
Front islamique (composé de salafistes proches de l’Arabie Saoudite).
Originellement constitué, à l’initiative d’Al-Qaïda, comme une branche
armée de l’EIIL placée sous le commandement d’al-Djûlani, un proche d’alBaghdâdî, il a pour objectif d’anéantir le pouvoir alaouite en Syrie et de
prendre la main sur la terre du Sham, ou Levant – c’est-à-dire la Syrie et le
Liban.
Jusqu’au début de l’année 2013, l’EIIL s’adossait ainsi à la fois sur
Al-Qaïda en Irak et sur Jabhat al-Nosra en Syrie, les djihadistes français
rejoignant à parité la première et le second.
Daech a cependant rapidement pris l’avantage sur Jabhat alNosra, pour des raisons tenant autant à des rivalités personnelles entre les
chefs des deux groupes qu’à des querelles doctrinales. Les deux
organisations se scindent ainsi sur le territoire syrien. Dès le mois de janvier
2013, leur rivalité avait pris la forme d’affrontements militaires, notamment
dans les zones pétrolières et à Deir al-Zor. Refusant de prêter allégeance à
al-Baghdâdî pour former un État islamique en Irak et au Levant, al-Joulani se
rallie à Al-Qaïda au tournant de l’année 2014.
Les différends entre les deux organisations portent par ailleurs sur
des points plus fondamentaux. Tandis que Jahbat al-Nosra, principalement
composée de Syriens issus de la rébellion, s’appuie volontiers sur l’aide
militaire de pays étrangers, l’EIIL, qui compte principalement dans ses rangs
des combattants venus d’Irak, de Somalie ou même d’Europe, considère que
l’alliance avec des États considérés comme infidèles n’est pas acceptable.
Si les combats entre les deux groupes n’ont pas tourné, sur le
territoire syrien, à l’avantage de l’EIIL qui a connu défaite sur défaite dans
l’Est du pays entre 2013 et 2014 – à l’exception notable de la prise de
Raqqa −, les succès militaires par ailleurs remportés par Daech en ont fait
le groupe djihadiste le plus puissant et le plus attractif. Plusieurs centaines
1
Cf. O. Hanne et Th. Flichy de La Neuville, ouvrage précité, page 19.