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1. Aux origines de la crise actuelle : la zone de conflit syroirakienne exerce une forte attraction sur les combattants
étrangers
a) De la faillite des États irakien et syrien à l’émergence de Daech
(1) La situation d’instabilité politique en Irak et de guerre civile en Syrie
ne semble pas devoir prendre fin à court terme

 Mosaïque ethnique et religieuse parcourue de tensions récurrentes
entre Arabes et Kurdes, chiites et sunnites, sans compter les minorités
chrétiennes, chaldéennes, yézidies et turkmènes du Nord du pays, qui plus
est largement structuré autour d’organisations de nature tribale, l’Irak de
Saddam Hussein était déjà soumis à des forces centrifuges cohabitant tant
bien que mal1. L’intervention américaine de 2003 a remis en cause ce fragile
équilibre et ouvert la voie à l’éclatement du pays. Mise en œuvre sans le feu
vert des Nations Unies – contre l’avis de la France – et en l’absence de
solution politique de remplacement, elle a irrémédiablement compromis la
possibilité d’une sortie de crise à court terme.
Opprimée sous Saddam Hussein, qui lui interdit notamment le
pèlerinage annuel à Kerbala, la majorité chiite du pays reprit l’avantage
grâce au ralliement de certains de ses représentants à l’armée d’occupation.
Les sunnites, précédemment aux commandes du pays aux côtés du parti
Baas, furent quant à eux écartés du pouvoir dès 2003, puis tenus à l’écart de
tout le processus de transition. L’élection à la présidence du Kurde Djalal
Talabani en avril 2006, puis le procès bâclé et l’exécution sommaire de
Saddam Hussein au mois de décembre de la même année, ont encore nourri
leur ressentiment face à ce déclassement. Les États-Unis, l’armée irakienne et
les milices chiites ont ainsi dû faire face dès 2004 à la très vive opposition de
groupes sunnites, pour beaucoup radicalisés et recrutant des djihadistes
étrangers dans leurs rangs 2.
Malgré une accalmie relative résultant du ralliement des tribus
sunnites du centre de l’Irak contre ces groupes islamistes 3, le Premier
ministre chiite Nouri al-Maliki, au pouvoir entre 2006 et 2014, s’est montré
impuissant à enrayer la décomposition du pays. Les débordements de la
contre-insurrection menée par le pouvoir central, comme à Tall Afar en
Sur les développements suivants, voir notamment O. Hanne et Th. Flichy de La Neuville, L’État
islamique. Anatomie du nouveau califat, Bernard Giovanangeli éditions, 2014.
2 Cette adhésion à l’islamisme chez les sunnites pourrait être en partie expliquée par réaction à la
résurgence de la religiosité chez les Chiites face au projet laïc du parti Baas. Selon O. Hanne et
Th. Flichy de la Neuville (ouvrage précité), « les affidés de l’ [État islamique] présentent
désormais le Califat comme le retour d’un sunnisme débarrassé du laïcisme et du
baassisme, et donc capable de concurrencer les chiites irakiens pour le scrupule religieux ».
3 Stratégie mise en œuvre à l’initiative du général Petraeus, qui s’est traduite par la constitution des
comités « al-Sahwa » (le réveil). L’État irakien a ainsi pu s’appuyer sur plus de 100 000 combattants
tribaux contre la promesse d’une intégration future dans les services étatiques.
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