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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE

I. L’ÉTAT DES LIEUX : UNE CRISE SANS PRÉCÉDENT
Notre pays a pris progressivement conscience, à partir de l’année
2013, d’un phénomène sans précédent par son ampleur sinon par sa nature :
le départ de centaines de jeunes Français vers les zones de combat syroirakiennes pour y rejoindre des groupes pour la plupart terroristes,
singulièrement Daech, afin d’y accomplir ce qu’ils croient être le djihad. Ce
phénomène, comme votre commission d’enquête a pu en prendre conscience
au fil des auditions qu’elle a menées, est en réalité d’une grande complexité,
tant il est vrai que ses causes sont indissociablement géopolitiques, sociales,
religieuses, ou même psychologiques (A).
Après un moment de stupeur, voire d’incompréhension, le
Gouvernement et l’administration se sont pleinement emparés de ce sujet et
ont pris des mesures pour adapter un dispositif de lutte antiterroriste déjà
ancien – mais qui avait fait l’objet de plusieurs mises à jour, dont certaines
récentes – à cette nouvelle menace (B).
Il est toutefois apparu à votre commission d’enquête que cette réaction
des pouvoirs publics peine à répondre à l’ampleur du phénomène, tant le
nombre de facteurs sur lesquels il conviendrait d’agir est important (C).
A. LES MUTATIONS DU TERRORISME « DJIHADISTE » :
NOUVEAU POUR LES POUVOIRS PUBLICS

UN

DÉFI

Le développement des filières djihadistes et l’afflux de combattants
étrangers sur les territoires syrien et irakien ne sont pas des phénomènes
univoques, dont les causes reposeraient uniquement sur les éventuelles
déficiences de l’organisation française en matière de renseignement ou les
failles de notre modèle social.
Le départ pour la Syrie ou l’Irak de jeunes radicalisés en provenance
du monde entier résulte, en première analyse, du très fort attrait exercé par
une situation de guerre qui perdure dans cette zone depuis plus de dix ans
et qui se situe au confluent de plusieurs enjeux. Qu’ils soient fascinés par
l’idée de se battre contre un régime autoritaire, de lutter contre
l’impérialisme occidental, de combattre les Alaouites ou encore d’accomplir
une prophétie apocalyptique, les djihadistes voient en effet leurs
aspirations incarnées de manière privilégiée sur le théâtre syro-irakien.
L’organisation Daech, dont l’offensive foudroyante lancée au début de
l’année 2014 dans le Nord de l’Irak a conduit à l’avènement du Califat
islamique en juin dernier, y joue un rôle d’attraction de premier plan.
Avant d’analyser la pluralité des facteurs qui peuvent conduire un
jeune à se radicaliser et à partir pour le djihad (2), il convient de replacer le
phénomène dans son contexte géopolitique, celui d’un conflit résultant de
l’effondrement successif des États irakien et syrien. Cet effondrement a en
effet favorisé l’émergence et le développement de groupes islamistes
radicaux, au premier rang desquels figure Daech (1).

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