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distinguent entre déradicalisation et désengagement 1 : tandis que la première
consisterait en un ensemble d’actions sociales, psychologiques ou
comportementales destinées à aider les individus radicalisés à renoncer à
aller plus loin dans le processus conduisant à la violence physique ou
verbale et à revenir à un mode de vie légal et pacifique, le second renvoie à
la sortie d’un ou de plusieurs individus de la violence politique active.
Contrairement à plusieurs de ses voisins européens, la France ne
dispose pas d’un programme structuré de réinsertion ou de
désengagement ; cette lacune s’expliquerait par la méfiance traditionnelle
vis-à-vis de ce type d’interventions de pouvoirs publics attachés au principe
de séparation du religieux et du politique. Votre commission d’enquête
estime que le développement de programmes de cette nature, qui apparaît
indispensable pour compléter la panoplie des réponses à la menace
djihadistes, doit s’inspirer des exemples étrangers déjà mis en œuvre
depuis quelques années2.
 Le Royaume-Uni apparaît en la matière comme le pays pionnier,
qui a ouvert la voie et tracé la doctrine des futures initiatives, mais aussi
expérimenté le premier les erreurs et les impasses de ces politiques.
Fortement ébranlé par le traumatisme des attentats de 2005, d’autant plus
qu’ils avaient été perpétrés par des home-growns3, le pays a mis en place un
ensemble ambitieux d’actions de prévention de la radicalisation, révisé en
2011 sous le nom de programme Prevent. Ce programme s’inscrit dans un
vaste ensemble de projets et d’actions coordonnés par le service de sécurité
et d’antiterrorisme (OSCT) rattaché au Home office (ministère de l’Intérieur) ;
cet ensemble comprend notamment le projet Channel, visant à identifier et à
assurer le suivi des personnes présentant un risque de radicalisation, ainsi
que la mise en place du système RICU (Research, information and
communications unit), centré sur le développement du contre-discours.
La stratégie Prevent se décline, d’une part, en un volet de prévention
générale, visant à contester l’influence des idées extrémistes et à promouvoir
les principes démocratiques, et, d’autre part, en un volet d’action plus ciblé
sur les individus. Dans ce cadre, tout signalement effectué (que ce soit par
l’école, le voisinage, un service équivalent à la PJJ, ou encore des services
sanitaires, etc.) auprès d’une instance de coordination locale donne lieu à
une évaluation permettant de définir le mode d’intervention approprié. Il
peut s’agir de la mise en place d’un simple suivi par un mentor, d’un rappel
à la loi, voire de l’engagement de poursuites judiciaires dans les cas les plus
graves.

Voir notamment Jean-Luc Marret et Louis Baral, Pour une prévention française du terrorisme et
du djihadisme, fondation pour la recherche stratégique, note 13/2014, 17 septembre 2014.
2 Voir sur ce point le rapport de Pierre Conesa précité, page 62 et suivantes.
3 C’est-à-dire des citoyens britanniques ayant grandi sur le territoire du pays.
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