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Votre commission d’enquête salue à ce titre les excellentes conditions
dans lesquelles a été organisée la minute de silence après les attentats de
janvier 2015 dans le lycée Mathis, situé dans une zone sensible de Strasbourg, qui
regroupe près de 31 nationalités différentes. Or, d’après les responsables du lycée
rencontrés par la délégation de votre commission d’enquête lors de son
déplacement, l’appréhension des questions religieuses dans le cadre scolaire, en
application du régime du Concordat dans les régions Alsace-Moselle, est de
nature à permettre un débat dans des conditions apaisées sur des sujets pouvant
pourtant susciter des discussions vives.
Il apparaît dès lors nécessaire de développer un enseignement
formalisé du fait religieux dans le cadre scolaire. Certes, ces questions sont
déjà largement abordées, au moins de manière indirecte, dans le cadre des
cours de français et de lettres, d’histoire, de géographie ou encore de
philosophie, qui conduisent l’élève à se confronter à des textes, des
événements ou des documents mettant en jeu la religion dans des contextes
toujours différents : ces enseignements constituent le socle fondamental de la
formation citoyenne et de la prévention de toute radicalisation. En outre, le
dialogue quotidien avec les élèves, notamment lors d’événements graves liés
à l’expansion du terrorisme djihadiste, sont autant d’occasions pour les
enseignants de remettre la notion en perspective. Pour autant, en l’absence
de formation spécifique sur ce point, ceux-ci ne sont pas toujours à même
d’intervenir de manière pleinement satisfaisante sur ces sujets
particulièrement sensibles.
Un enseignement laïque du fait religieux à l’école, centré sur une
approche historique et analytique de la religion ainsi que des textes sur
lesquels elle repose, présenterait plusieurs axes d’intérêt majeurs du point de
vue de la formation intellectuelle des futurs citoyens, ainsi que l’avait relevé
Régis Debray dans son rapport de 20021. À l’issue de travaux de votre
commission d’enquête, ces analyses apparaissent toujours d’actualité. En premier
lieu, et au même titre que toute approche historique, un tel enseignement
permettrait de remettre en perspective les événements de l’actualité récente – et
notamment les événements liés au terrorisme djihadiste − dans le temps long de
l’évolution des religions. Il s’agirait ainsi de donner à l’élève des ressources
supplémentaires pour « faire retour, mais en connaissance de cause, au monde
d’aujourd’hui ». En second lieu et surtout, il permettrait de ne pas laisser aux
autorités religieuses, voire aux acteurs prosélytes, le monopole du discours sur
la religion : l’école républicaine porte la responsabilité d’apporter un éclairage et
une connaissance objectifs et circonstanciés sur les textes et les faits religieux,
indépendamment de toute catéchèse et de tout prosélytisme. Sans cela, la
« relégation du fait religieux hors des enceintes de la transmission rationnelle et
publiquement contrôlée des connaissances » ne peut qu’aboutir à laisser les jeunes,
Régis Debray, « L’enseignement du fait religieux dans l’Ecole laïque », rapport remis au ministre
de l’Education nationale, février 2002.
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