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consistant à demander le soutien d’États étrangers se perde », ainsi que sur celle
d’adapter la formation des imams et des aumôniers au contexte français.
Selon le Premier ministre, ces évolutions devront être impulsées par la
communauté musulmane 1 elle-même, dans la mesure où toute immixtion de
l’État dans le champ théologique est exclue : « Il n’y aura pas de loi, il n’y aura
pas de décret, pas de circulaire pour dire ce que doit être l’islam. […] Jamais l’ État
ne prendra le contrôle d’une religion, d’un culte ».
(1) Les insuffisances de la parole publique musulmane sur le plan
théologique
À l’heure actuelle, cette construction d’un islam de France se heurte
cependant à l’absence d’unité de la communauté religieuse musulmane,
qui se trouve dans les faits éclatée en tendances éparses.
S’il existe des institutions représentatives des musulmans de France
– et notamment trois fédérations principales : l’Union des organisations
islamiques de France (UOIF), la Fédération nationale des musulmans de
France (FNMF) ainsi que la Fédération nationale de la grande mosquée de
Paris (FNGMP) –, celles-ci sont nombreuses et très divisées. Le conseil
français du culte musulman (CFCM), qui entend jouer un rôle de
rassemblement, souffre d’un manque de légitimité qui se traduit par de
profondes divisions et une instabilité institutionnelle chronique. Il s’agirait,
selon l’expression employée devant votre commission d’enquête, d’une
« mosaïque » ne garantissant pas la collégialité. Sans préjuger de la qualité et
de l’implication de ses responsables, le CFCM ne devrait sa pérennité qu’à
des arrangements institutionnels, tels que l’institution d’une présidence
tournante, qui nuiraient en définitive à la portée de son discours.
Au total, il n’existe plus aujourd’hui d’instance représentative
permettant d’aboutir à un consensus. Ainsi peut-on rappeler que la
nomination d’un aumônier national des prisons a provoqué par deux fois
l’explosion du CFCM. Cette dispersion, qui rend très difficile l’engagement
d’une démarche coordonnée, se retrouve dans l’organisation de la religion
musulmane elle-même, l’islam sunnite étant caractérisé par l’absence de
clergé officiel.
Pour remédier à cette situation, il a notamment été préconisé devant
votre commission d’enquête d’envisager la création d’une commission
théologique au sein du CFCM, qui disposerait ainsi d’une instance au sein
de laquelle les musulmans pourraient définir un point d’accord sur la
question du rapport de la religion musulmane aux valeurs républicaines. Là
encore toutefois, il doit être clair qu’il ne relève pas de l’autorité de l’État
d’organiser ou de promouvoir l’organisation d’une commission théologique.
L’expression de « communauté musulmane » est ici utilisée dans un sens descriptif et ne renvoie
bien évidemment pas à des spécificités juridiques telles que celles qui peuvent exister chez certains de
nos voisins européens, notamment en Grande-Bretagne.
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