- 138 -
FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE
c) Quel contenu ?
La construction d’un contre-discours doit partir d’une analyse
approfondie des contenus développés par les propagandistes djihadistes.
Or, ainsi qu’il l’a été indiqué devant votre commission d’enquête, et comme
le note Pierre Conesa dans son rapport relatif à la politique de « contreradicalisation »1, la connaissance de cette parole est encore très imparfaite. Il
serait dès lors urgent de travailler sur la première source d’endoctrinement
que constituent, pour les candidats français au djihad, les sites salafistes
francophones. Selon Pierre Conesa, ce travail préalable pourrait être réalisé
par un observatoire ouvert et à vocation publique. Une telle démarche est
d’autant plus nécessaire que la propagande des réseaux djihadistes s’adapte
très rapidement à la dénonciation qui en est faite par les acteurs occidentaux.
Proposition n° 7 : Mettre en place un organisme interministériel dédié à
l’observation du discours de propagande et de recrutement djihadiste, et
permettant de suivre ses évolutions.
Si l’initiative lancée par le Gouvernement avec la campagne
#stopjihadisme a globalement été saluée, le contenu vidéo proposé suscite
davantage d’interrogations. Directement inspiré de la campagne américaine
« Think again, turn away », il repose en effet sur une dénonciation des
mensonges proférés par les organisations terroristes, mis en rapport avec la
réalité que les aspirants au départ trouveraient sur le terrain. De l’avis de
l’une des personnes entendues par votre commission d’enquête, le
fonctionnement de ce message serait semblable à celui d’une campagne de
prévention routière : il s’agit pour la puissance publique d’avertir les
individus en voie de radicalisation du danger qu’ils encourent. Cette
construction manichéenne pourrait manquer sa cible : il est permis de penser
que certains des éléments dénoncés – une mort solitaire – feraient
précisément partie de l’idéal que les jeunes radicalisés souhaitent aller
trouver en Syrie – une mort en martyr – et ne les décourageraient donc pas.
Cette vidéo utilise en outre, dans le but de mieux les dénoncer, des images
tournées par les groupes de combattants présents sur place ; ce serait
cependant oublier qu’elles ont une dimension symbolique très forte et déjà
intégrée par les candidats au djihad.
Pour autant, il demeure indispensable de fournir des armes de
compréhension et de décryptage pour déconstruire la parole radicale, et ne
pas laisser le monopole de la parole aux groupes extrémistes ; aussi
s’agirait-il de compléter ce dispositif par d’autres types de contenus. Il est
par ailleurs à noter que la large diffusion de cette vidéo, ainsi que la forte
médiatisation de la campagne lancée par le Gouvernement, ont une réelle
1
Pierre Conesa, rapport précité, page 5.