- 136 -

FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE

a) Quels acteurs ?
La question se pose en premier lieu de la qualité des acteurs qui
peuvent publiquement porter ce contre-discours afin de lui donner toute sa
crédibilité. De l’avis général des personnes entendues par votre commission
d’enquête, la parole publique de l’État serait vouée à l’échec en ce domaine :
les individus radicalisés, sous l’effet notamment de la doctrine complotiste
qui leur est inculquée par les recruteurs, deviennent peu à peu insensibles au
discours des médias comme à celui des autorités. Ainsi, le format même de
l’adresse du site Internet stop-djihadisme.gouv.fr nuirait à son crédit auprès de
publics souvent en rupture, ou en passe de le devenir ; l’outil serait en
définitive plus utile à l’entourage des individus directement touchés par la
radicalisation, et remplirait auprès de celui-ci davantage un rôle
d’information. De la même façon, l’origine militaire de la campagne
américaine « Think again, turn away » nuirait à la réception de son propos.
Les expériences étrangères tendent à montrer que le contre-discours
serait plus efficace dès lors qu’il est porté par des acteurs de la sphère
civile, et notamment du milieu associatif. En témoigne l’immense succès des
récentes campagnes de communication spontanément lancées par la société
civile en Grande-Bretagne et en France, autour respectivement des slogans
« Not in my name » et « Je suis Charlie ».
En Grande-Bretagne, le programme Prevent, qui se donne pour
objectifs de répondre au « défi idéologique » lancé par les terroristes,
d’accompagner les personnes qui s’y trouvent exposées, ainsi que de cibler
les actions de prévention sur certains secteurs-clés tels que la prison ou
l’école, associe le secteur public avec des acteurs de la société civile. Il est
coordonné par le service de la sécurité et de l’antiterrorisme (OSCT), rattaché
au ministère de l’Intérieur.
La fondation Quilliam, qui se présente comme un think and act tank
spécialisé dans l’antiterrorisme, a par ailleurs développé un mode
d’intervention original. Elle conduit des actions, notamment dans le domaine
du contre-discours, en lien à la fois avec le gouvernement britannique et des
organisations privées. La souplesse de son mode d’intervention lui permet
de faire évoluer ses méthodes très rapidement en fonction des résultats
empiriques constatés. Il est à noter que cette fondation s’appuie sur le
témoignage de terroristes repentis en grand nombre (300 personnes, qui se
trouvent en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Afrique du Nord,
interviennent dans ce cadre), mais aussi sur la parole des mères, des sœurs
ou des épouses. Cette organisation bénéficie de financements à la fois
publics, de la Grande-Bretagne comme de l’Union européenne, et provenant
de dons privés ; elle travaille par ailleurs avec Google, Facebook et Twitter,
qui offrent des espaces de contre-discours sur Internet. Elle a enfin
développé une méthode d’évaluation de son action reposant sur l’analyse
des contenus vus sur les réseaux sociaux.

Select target paragraph3