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sujet à l’erreur, d’autant plus que les individus concernés mettent en œuvre
des stratégies de dissimulation de plus en plus sophistiquées.
Votre commission d’enquête estime que l’efficacité du travail de
détection de la radicalisation ne pourra être renforcée qu’à la condition qu’il
engage l’ensemble des acteurs de terrain. Traditionnellement en retrait des
questions relevant de la sphère religieuse – du moins dans le cadre de
l’exercice de leur fonction −, ces acteurs doivent être rapidement formés au
traitement de ces problèmes (1) et doivent pouvoir s’appuyer sur une grille
d’analyse partagée (2).
(1) Adapter l’administration à la détection de la radicalisation religieuse
(a) Mieux former les acteurs de terrain
La confusion existant, chez les acteurs au contact direct du
public, entre pratique quotidienne de l’islam et fondamentalisme, ou entre
conversion à l’islam et embrigadement par un réseau djihadiste1, a été
pointée à plusieurs reprises devant votre commission d’enquête. Assistants
sociaux, juges des enfants ou aux affaires matrimoniales, officiers de police
judiciaire ou encore personnels d’établissement scolaires appartiennent à une
administration peu habituée à être confrontée au fait religieux et
traditionnellement tournée vers la défense de la liberté de culte et la lutte
contre, notamment, l’islamophobie. De ce fait, ils ne seraient pas toujours en
mesure de distinguer ce qui relève de la liberté de conscience de ce qui
ressort d’une dérive dans le radicalisme islamiste. Ces difficultés de lecture
des comportements de la sphère religieuse résultent avant tout d’une
méconnaissance profonde de l’islam − comme des autres religions −, qui
serait parfois considéré comme une religion archaïque justifiant des
comportements inacceptables – notamment lorsqu’ils portent atteinte aux
droits de l’enfant ou de la femme. Selon l’une des personnes entendues, « la
représentation souvent erronée que l’on se fait de l’islam ne doit pas conduire à la
discrimination, mais elle ne doit pas davantage mener au laxisme ».
Ce type d’approche contribue au sentiment d’isolement de
l’entourage des personnes en voie de radicalisation, qui s’est longtemps
trouvé privé d’interlocuteurs compétents. Nombre des personnes entendues
par votre commission d’enquête ont fait état du désarroi, de la perplexité et
de la solitude des familles confrontées à la radicalisation d’un proche ou à
son départ pour le djihad, l’entourage étant souvent bouleversé par la
brutalité et la rapidité des processus à l’œuvre, et ne sachant vers qui se
tourner pour trouver aide et soutien. L’une des personnes auditionnées a
ainsi souligné que « avant la mise en place du numéro vert, les parents étaient
bien seuls, car les interlocuteurs sociaux ne faisaient pas de différence entre
conversion à l’islam et embrigadement. Pis, on faisait la morale aux parents en leur
Sur la définition de la radicalisation par rapport à une pratique, le cas échéant rigoureuse, de
l’islam, voir page 49.
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